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L’Indonésie, atout maître du jeu américain


Indonesia, master card in Washington’s hands

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1.

TRENTE-CINQ ANS DE COMPLICITÉ

1.

THIRTY-FIVE YEARS OF COMPLICITY

2.

De la Thaïlande à la Corée du Sud, en passant par le Japon, le séisme monétaire et financier n’a pas fini son œuvre de déstabilisation. La crise asiatique vient de faire —après des millions de travailleurs réduits au chômage— une victime de marque : le général Suharto. Président depuis plus de trente ans, il prétendait conserver le monopole d’un pouvoir assis sur les prébendes et la corruption. Mais, incapable de mettre en œuvre les réformes exigées par le Fonds monétaire international et d’empêcher l’éclatement d’une révolte populaire, il a été contraint de démissionner le 21 mai 1998. Homme du sérail, son successeur, M. Bacharuddin Jusuf Habibie, a donné des signes d’ouverture : annonce d’élections, libération de prisonniers politiques, mutations à la tête de l’armée. Toutefois, c’est un profond changement que réclame l’Indonésie, ramenée en quelques mois au statut de pays pauvre. Un bilan peu glorieux pour un régime qui s’est installé au pouvoir après un terrible bain de sang cautionné par les États-Unis.

2.

From Thailand to South Korea by way of Japan, the monetary and financial earthquake has not stopped its path of destabilisation. The Asian crisis has claimed its first victim —apart from millions of workers now unemployed— General Suharto. President for over thirty years, he had a monopoly of power based on emoluments and corruption. Unable to carry out the reforms demanded by the International Monetary Fund or to stop the riots, he was, however, forced to resign on 21 May 1998. His successor, Bacharuddin Jusuf Habibie, has given some signs of change with the announcement of elections, the release of political prisoners and changes at the top of the army. However, Indonesia, reduced to a poor country in just a few months, is asking for real change. It is an inglorious record for a regime which took power after a terrible bloodbath backed by the United States.

3.

Le 20 mai 1998, la secrétaire d’État américain, Mme Madeleine Albright, a demandé au président Suharto de démissionner pour ouvrir la voie à une "transition démocratique". Quelques heures plus tard, le général transférait ses pouvoirs au vice- président qu’il avait lui-même désigné. Si les deux événements ne découlent pas nécessairement l’un de l’autre, ils sont significatifs de la nature des relations entre les États-Unis et l’Indonésie depuis près d’un demi-siècle.

3.

On May 20 1998 United States Secretary of State Madeleine Albright called upon Indonesia’s President Suharto to resign and provide for "a democratic transition." A few hours later, Mr Suharto transferred formal authority to his hand-picked vice-president. The two events were not simple cause and effect. They do, however, give some indication of the nature of the relations that have evolved over half a century.

4.

Quatre mois plus tôt, une publication australienne avait rapporté la scène suivante : alors que "le directeur du Fonds monétaire international (FMI), Michel Camdessus, se dressait devant Suharto, les bras croisés, à la coloniale, Suharto signait un nouvel accord avec le FMI". La photo illustrant "l’humiliation de Suharto "fut" diffusée dans la presse indonésienne le lendemain". Son symbolisme ne passa pas inaperçu.

4.

Four months earlier, an Australian publication had reported that while "IMF Director Michel Camdessus stood over Suharto with his arms folded in true colonial style, Suharto signed a new IMF agreement". The photo showing the "humbling of Suharto" was "plastered across the local papers" the next day. Whatever the circumstances, the symbolism was not missed.

5.

Suharto a bénéficié de l’appui des États-Unis et des autres gouvernements occidentaux depuis qu’il a pris le pouvoir en 1965. Pour soutenir son régime et sa violence, la Maison Blanche n’a cessé de contourner les restrictions du Congrès concernant l’aide militaire et l’entraînement des forces armées. L’administration Clinton a également suspendu la surveillance des pratiques indonésiennes en matière de droit du travail. Et même félicité Djakarta d’avoir rendu ces dernières "plus conformes aux normes internationales" !

5.

Mr Suharto’s rule relied crucially on US support. He has been a favourite of Western governments and investors since he took power in 1965. To sustain his power and violence, the White House has repeatedly evaded congressional restrictions on military aid and training : Jimmy Carter in 1978, Bill Clinton in 1993 and 1998. The Clinton Administration also suspended review of Indonesia’s appalling labour practices while praising Jakarta for bringing them "into closer conformity with international standards."

6.

La disgrâce du général Suharto s’inscrit dans une tradition désormais familière : MM. Mobutu Sese Seko, Saddam Hussein, Ferdinand Marcos, Anastasio Somoza, la famille Duvalier. Les raisons qui expliquent le lâchage américain sont en général la désobéissance ou la perte de contrôle. Dans le cas de M. Suharto, ces deux explications ont convergé : d’abord, son refus d’obéir aux ordres du FMI imposant une nouvelle punition à la population ; ensuite, son incapacité à contenir la révolte populaire. Le dictateur avait tout simplement cessé d’être utile.

6.

Mr Suharto’s recent fall from grace follows a familiar course : Mobutu, Saddam Hussein, Duvalier, Marcos, Somoza, etc. The usual reasons are disobedience or loss of control. In Suharto’s case, both factors operated : his failure to follow IMF orders that were subjecting the population to cruel punishment, then his inability to subdue popular opposition, which made it clear that his usefulness was at an end.

7.

Après la seconde guerre mondiale, l’Indonésie a joué un rôle important dans les tentatives des États-Unis pour construire un nouvel ordre planétaire, chaque région se voyant assigner un rôle particulier. La "fonction principale" de l’Asie du Sud-Est était de procurer aux sociétés industrielles des ressources et des matières premières. L’Indonésie en constituait le morceau de choix. En 1948, George Kennan, le stratège qui "inventa" la doctrine de l’endiguement, voyait dans "le problème de l’Indonésie (...) la question la plus cruciale de ce moment précis [du] combat [américain] contre le Kremlin". Cette formule recouvrait en fait la volonté de lutter contre tout nationalisme indépendant, quelque soutien que Moscou lui apportât (très faible en l’espèce). Et George Kennan avertissait : une Indonésie "communiste" constituerait un foyer d’"infection" susceptible de "s’étendre à l’Ouest" et d’atteindre toute l’Asie du Sud. On estimait alors que l’infection s’étendait par l’exemple plus que par la conquête.

7.

After the second world war, Indonesia had a prominent place in US efforts to construct an international political and economic order. Planning was careful and sophisticated ; each region was assigned its proper role. The "main function" of Southeast Asia was to provide resources and raw materials to the industrial societies. Indonesia was the richest prize. In 1948 the influential planner George Kennan described "the problem of Indonesia" as "the most crucial issue of the moment in our struggle with the Kremlin" - that is, the struggle against independent nationalism, whatever the Kremlin role might be (in this case, very slight). Kennan warned that a "communist" Indonesia would be an "infection" that "would sweep westward" through all of South Asia. The term "communism" is routinely used to cover any form of independent nationalism, and it is understood that "infections" spread not by conquest but by example.

8.

Mais la "question indonésienne" persistait. En 1958, le secrétaire d’État américain, John Foster Dulles, informa le Conseil national de sécurité que l’Indonésie comptait au nombre des trois principales crises mondiales, les deux autres étant l’Algérie et le Proche-Orient. Très fortement soutenu par le président Eisenhower, il ajoutait que l’Union soviétique ne jouait aucun rôle dans ces crises-là. En Indonésie, le "problème" principal venait du Parti communiste (PKI), qui ne cessait d’"étendre son influence, non pas en tant que parti révolutionnaire, mais comme organisation défendant les pauvres dans le cadre du système en place" et se construisant "une base de masse dans la paysannerie".

8.

"The problem of Indonesia" persisted. In 1958 US Secretary of State John Foster Dulles informed the National Security Council that Indonesia was one of three major world crises, along with Algeria and the Middle East. He emphasized that there was no Soviet role in any of these cases, with the "vociferous" agreement of President Eisenhower. The main problem in Indonesia was the Communist party (PKI), which was winning "widespread support not as a revolutionary party but as an organization defending the interests of the poor within the existing system", developing a "mass base among the peasantry" through its "vigor in defending the interests of the...poor".

9.

L’ambassade des États-Unis à Djakarta annonça qu’il ne serait pas possible de vaincre le PKI "en ayant recours aux moyens démocratiques ordinaires". Il faudrait donc se résoudre à une "élimination" politique et militaire. Les chefs d’état-major des armées insistèrent pour qu’"une action soit entreprise, y compris une action ouverte destinée soit à assurer le succès des dissidents, soit la suppression des éléments communistes au sein du gouvernement Sukarno". Les "dissidents" dirigeaient une rébellion localisée dans les îles périphériques, là où se situaient l’essentiel des gisements pétroliers et des investissements américains. D’après deux spécialistes de l’Asie du Sud-Est, le soutien apporté au mouvement sécessionniste fut " de loin la plus importante et la plus méconnue des interventions militaires clandestines de l’administration Eisenhower". Quand la rébellion s’effondra —non sans avoir emporté avec elle les derniers résidus des institutions parlementaires —, les États-Unis eurent recours à d’autres méthodes afin d’"éliminer" la principale force politique du pays. L’objectif fut atteint lorsque, avec le soutien américain, le général Suharto prit le pouvoir en 1965. Organisés par l’armée, des massacres liquidèrent le PKI et débouchèrent sur ce qui, de l’aveu même de la CIA, serait l’"un des pires meurtres de masse du XXe siècle", comparable aux atrocités d’Hitler, de Staline et de Mao. L’étude de l’agence de renseignement américaine ajoutait même que le "coup d’État indonésien" représentait "certainement l’un des principaux événements du siècle". Environ 500 000 personnes furent tuées en quelques mois.

9.

The US embassy in Jakarta reported that it might not be possible to overcome the PKI "by ordinary democratic means", so that "elimination" by police and military might be undertaken. The Joint Chiefs of Staff urged that "action must be taken, including overt measures as required, to ensure either the success of the dissidents or the suppression of the pro-communist elements of the Sukarno government". The "dissidents" were the leaders of a rebellion in the outer islands, the site of most of Indonesia’s oil and US investments. US support for the secessionist movement was "by far the largest, and to this day the least known, of the Eisenhower administration’s covert militarized interventions", two leading Southeast Asia specialists conclude in a revealing study. When the rebellion collapsed, after bringing down the last residue of parliamentary institutions, the US turned to other means to "eliminate" the country’s major political force. That goal was achieved when Suharto took power in 1965, with Washington’s strong support and assistance. Army-led massacres wiped out the PKI and devastated its mass base in "one of the worst mass murders of the 20th century," comparable to the atrocities of Hitler, Stalin, and Mao, the CIA reported, judging "the Indonesian coup" to be "certainly one of the most significant events of the 20th century". Perhaps half a million or more were killed within a few months.

10.

Atrocités et massacres en série

10.

No original text

11.

L ’évènement suscita pourtant une orgie d’euphorie. Pour décrire le "stupéfiant massacre de masse", le New York Times parla d’une "coulée de lumière en Asie" et félicita Washington d’être resté discret pour ne pas embarrasser les "modérés indonésiens" qui purifiaient leur société et s’apprêtaient à recevoir une généreuse aide américaine. L’hebdomadaire Time salua la "détermination tranquille" du général et ses procédures "scrupuleusement constitutionnelles, fondées sur le droit et pas seulement sur la force" au moment où il prenait la présidence d’un pays transformé en "bain de sang en ébullition", mais qui néanmoins constituait "la meilleure nouvelle depuis des années pour l’Occident en Asie". L’Indonésie retrouva les faveurs de la Banque mondiale. Les gouvernements et les sociétés occidentales se précipitèrent dans le "paradis des investisseurs", avec pour seul souci la rapacité de la famille au pouvoir. Pendant vingt ans, le président indonésien serait décrit par l’hebdomadaire britannique The Economist comme "un modéré, qui au fond est bienveillant", alors même qu’il accumulait un nombre record de meurtres et qu’il généralisait les pratiques de la terreur et de la corruption.

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The events were greeted undisguised euphoria. The New York Times described the "staggering mass slaughter" as "a gleam of light in Asia," praising Washington for keeping its own role quiet so as not to embarrass the "Indonesian moderates" who were cleansing their society, then rewarding them with generous aid. Time praised the "quietly determined" leader Suharto with his "scrupulously constitutional" procedures "based on law, not on mere power" as he presided over a "boiling bloodbath" that was "the West’s best news for years in Asia". The reaction was near uniform. The World Bank restored Indonesia to favour. Western governments and corporations flocked to Suharto’s "paradise for investors", impeded only by the rapacity of the ruling family. For more than 20 years, Suharto was hailed as a "moderate" who is "at heart benign" (The Economist) as he compiled a record of slaughter, terror, and corruption that has few counterparts in postwar history.

12.

L’Occident salua également les performances économiques du régime. Pourtant, Clive Hamilton, spécialiste australien qui a œuvré à la modélisation de l’Indonésie, conteste les statistiques officielles, les jugeant "très inexactes". Il explique, par exemple, que le taux de croissance annuel officiel de 7 % doit plus à la "communication" gouvernementale qu’aux calculs des économistes. Il y eut bien croissance économique, mais grâce aux réserves de pétrole du pays et à la révolution verte, deux choses que "même l’inefficacité massive du système de corruption ne put entièrement empêcher". Avec ces avantages se conjuguèrent ceux de l’extraction d’autres ressources naturelles et d’une main-d’œuvre très bon marché, du fait d’un niveau d’exploitation qui impressionna les États-Unis. Le reste de la performance économique tient du mirage : il s’est dissipé avec la fuite des investisseurs étrangers.

12.

Suharto is also hailed for his economic achievements. An Australian specialist who participated in economic modeling in Indonesia dismisses the standard figures as "seriously inaccurate" : the regularly reported 7% growth rate, for example, was invented on government orders, overruling the assessment of the economists. He confirms that economic growth took place, thanks to Indonesia’s oil reserves and the green revolution, "the benefits of which even the massive inefficiency of the system of corruption could not entirely erode". The benefits were enhanced by extraction of other resources and the supply of super-cheap labour, kept that way by the labour standards that impress Washington. Much of the rest is "a mirage," as was quickly revealed when "foreign investors stampeded".

13.

L’essentiel de la dette privée indonésienne est détenu par quelques dizaines de créanciers. La fortune de la famille Suharto correspond à peu de chose près au montant du plan de sauvetage décidé par le FMI. Un tel rapprochement suggérerait une manière assez simple de résoudre la "crise financière", mais, naturellement, on en choisira une autre... Les 200 millions d’Indonésiens qui n’ont rien emprunté paieront. Et, conformément aux règles du capitalisme réellement existant, les contribuables des pays occidentaux subiront le même sort. En 1975, l’armée indonésienne envahissait le Timor-Oriental, que ses habitants devaient récupérer après l’effondrement du colonialisme portugais. Les États-Unis et l’Australie, informés qu’une invasion se préparait, ne firent rien pour la prévenir. M. Richard Woolcott, ambassadeur australien à Djakarta, encouragea son gouvernement à suivre un cours "pragmatique" inspiré du "réalisme à la Kissinger" (alors secrétaire d’État dans l’administration du président américain Gerald Ford). Il expliqua en effet que l’Australie avait tout avantage à ce que les réserves pétrolières du Timor-Oriental tombent entre les mains de l’Indonésie "plutôt qu’entre celles du Portugal ou d’un Timor indépendant".

13.

The estimated $80 billion private debt is held by at most a few hundred individuals, Indonesian economists estimate, perhaps as few as fifty. The wealth of the Suharto family is estimated at roughly the scale of the IMF rescue package. The estimates suggest simple ways to overcome the "financial crisis", but these are not on the agenda. The costs are to be borne primarily by 200 million Indonesians who borrowed nothing, along with Western taxpayers, in accord with the rules of "really existing capitalism". In 1975, the Indonesian army invaded East Timor, then being taken over by its own population after the collapse of the Portuguese empire. The US and Australia, at least, knew that the invasion was coming and approved it. Australian Ambassador Richard Woolcott urged his government to follow the "pragmatic" course of "Kissingerian realism," (Kissinger was then secretary of state in the Ford Administration). This was for one reason, because Australia might be able to make a better deal on Timor’s oil reserves with Indonesia "than with Portugal or independent Portuguese Timor".

14.

Près de 90 % des armes des troupes du général Suharto provenaient des États- Unis et ne devaient servir qu’à l’autodéfense. Mais on ne se soucia guère de cette restriction qui venait d’être enfreinte. Et Washington accéléra les livraisons d’armes peu après avoir annoncé leur suspension.

14.

The Indonesian army relied on the US for 90% of its arms, which were restricted to use in "self-defense". The rules were followed in accord with that same "Kissingerian realism" and scant attention was paid to the restriction. Adhering to the same doctrine, Washington immediately stepped up the flow of arms while declaring an arms suspension.

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Le Conseil de sécurité des Nations unies ordonna le retrait de l’Indonésie du Timor-Oriental, mais en vain. Car, comme l’expliqua dans ses Mémoires M. Daniel Patrick Moynihan, alors ambassadeur américain auprès de l’ONU, le département d’État lui avait donné pour instruction de rendre l’ONU "complètement inefficace, quelque initiative qu’elle entreprenne" : "Les États-Unis voulaient que les choses se passent comme elles se sont passées [et ils] agirent en ce sens". M.Moynihan précise comment les choses se sont passées : en quelques mois, 60 000 Timorais furent tués, "presque la proportion de victimes soviétiques pendant la deuxième guerre mondiale". Pourtant la tuerie continua, atteignant son apogée en 1978 grâce à de nouvelles armes américaines livrées par l’administration Carter. Le bilan total avoisinerait 200 000 morts, proportionnellement à la population le pire massacre depuis le génocide des juifs. En 1978, les États-Unis n’étaient d’ailleurs plus seuls à solliciter les faveurs du régime militaire. Le Royaume-Uni et la France les avaient rejoints. Sous la présidence de M. Valéry Giscard d’Estaing, le ministre français des affaires étrangères, M. Louis de Guiringaud, se rendit ainsi à Djakarta pour promouvoir la vente d’armes de son pays. Il jugea sa visite "satisfaisante à tous les points de vue", précisant même que la France cesserait d’"embarrasser" l’Indonésie dans les forums internationaux. Dans les pays occidentaux, les protestations furent extrêmement rares. Et la presse ne se soucia guère du sort de Timor.

15.

The UN Security Council ordered Indonesia to withdraw, but that was an empty gesture. As UN Ambassador Daniel Patrick Moynihan explained in his memoirs, he followed the directives of the State Department to render the UN "utterly ineffective in whatever measures it undertook" because "the United States wished things to turn out as they did" and "worked to bring this about." He also described how "things turned out," noting that within a few months 60,000 Timorese had been killed, "almost the proportion of casualties experienced by the Soviet Union during the second world war". The massacre continued, peaking in 1978 with the help of new arms provided by the Carter Administration. The toll is estimated at about 200,000, the worst slaughter relative to population since the holocaust. By 1978 the US was joined by Britain, France, and others eager to gain what they could from the slaughter. Under the presidency of Valéry Giscard d’Estaing, French Foreign Minister Louis de Guiringaud visited Jakarta to arrange for the sale of French arms, judging his visit to have been "satisfying in all respects" and adding that France would not "embarrass" Indonesia in international forums. Protest in the West was minuscule ; little was even reported.

16.

Les atrocités s’y poursuivent, avec le concours des États-Unis et de leurs alliés. Mais, désormais, les manifestations de protestation se généralisent et trouvent des relais en Indonésie même, où des dissidents courageux, dont nos grands médias ne parlent jamais ou presque, pressent l’Occident de mettre ses actes en accord avec ses discours démocratiques. La fin de cette tragédie n’exige pourtant nul bombardement ou sanction : le simple refus de collaborer à l’oeuvre de "pacification" indonésienne pourrait suffire. En 1989, l’Australie a signé un traité avec Djakarta pour exploiter le pétrole de la "province indonésienne du Timor-Oriental", celle dont bien des "réalistes" prétendent qu’elle ne serait pas viable économiquement —ce qui la rendrait inapte à l’autodétermination réaffirmée par le Conseil de sécurité des Nations unies et par la Cour internationale de La Haye. Le traité est entré en vigueur peu après que l’armée indonésienne eut massacré plusieurs centaines de Timorais supplémentaires, qui commémoraient un précédent massacre. Les compagnies occidentales se sont associées à l’exploitation pétrolière de Timor, sans que cela suscite le moindre commentaire.

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Atrocities continue to the present with the decisive support of the US and its allies, though popular protest has increased, within Indonesia as well, where courageous dissidents, also unreported, have been calling on the West to live up to its fine words. To bring this horror to an end requires no bombing, sanctions or other drastic means : simple unwillingness to participate might well have sufficed. But that was never considered an option. The implications remain unexamined, dismissed in favour of ritual and irrelevant appeals to the cold war. In 1989 Australia signed a treaty with Indonesia to exploit the oil of "the Indonesian Province of East Timor" - which sober realists tell us is not economically viable and therefore cannot be granted the right of self-determination affirmed by the Security Council and the World Court. The treaty was put into effect immediately after the army massacred several hundred more Timorese at a graveyard commemoration of a recent army assassination. Western oil companies joined in the robbery, eliciting no comment.

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Et les choses continuèrent ainsi. Jusqu’au jour où le général Suharto commit ses premières erreurs...

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So matters continued until General Suharto made his first mistakes...

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