Courrier International | Jules Verne | Le Monde diplomatique | National Geographic | Time Magazine |

Un journaliste chante la mondialisation


Paeon of praise to globalisation

--> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> --> -->
1.

Et le "New York Times" imagine notre avenir

1.

Creation myth of the "geo-architect"

2.

Les ouvrages célébrant l’actuel système économique et le pouvoir croissant des marchés se multiplient.

2.

Books celebrating the current economic system and the growing power of the markets are on the increase.

3.

Rarement cependant leurs auteurs avaient déployé autant de zèle et d’entregent, au service d’une évolution assimilée à la démocratie elle-même, que Thomas Friedman, l’un des journalistes-vedettes du New York Times.

3.

Rarely however have their authors shown as much zeal as Thomas Friedman, one of the New York Times’ star writers.

4.

Si son livre mérite une attention particulière, c’est que, outre son impact, il exprime de manière presque emblématique la pensée des classes dirigeantes américaines.

4.

Apart from its impact, his book expresses in an almost emblematic way the thinking of the American ruling classes.

5.

Ainsi que celle des responsables économiques et politiques qui, ailleurs, ne rêvent que d’imiter les États-Unis. Et ne cessent de dénoncer l’ "antiaméricanisme".

5.

As well as that of economic and political leaders elsewhere who dream of imitating the US.

6.

Désormais, chacun ou presque a entendu parler de la "globalisation", et nombreux sont ceux qui ont compris qu’elle signifie que les lois du capitalisme s’imposent partout.

6.

By now most readers have heard of globalisation and have understood that it means something familiar : "capitalism or else".

7.

Eh bien ! c’est davantage que cela, affirme Thomas Friedman, l’un des principaux éditorialistes de politique étrangère du New York Times.

7.

Oh, but it is so much more than just that, declares Thomas Friedman, foreign affairs columnist for the New York Times.

8.

Dans son dernier livre, déjà devenu best-seller aux États-Unis, il nous indique que son objectif n’est pas tant de décrire la mondialisation que de la faire "comprendre", c’est-à-dire de nous faire apprécier qu’elle constitue le stade suprême de la civilisation humaine, à la fois désirable, digne de susciter notre confiance, de nous rendre riches et libres, d’améliorer dans le monde entier chacun et toute chose.

8.

His goal in his much-celebrated and best-selling book The Lexus and the Olive Tree is not to describe globalisation for us but to help us to understand it. By this he apparently means hammering into our heads the notion that globalisation is the end object of human civilisation , that globalisation is loveable and trustworthy, that globalisation will make us rich, set us free, and generally elevate everything and everyone everywhere.

9.

Depuis dix ans, les stars du journalisme, les patrons de grosses entreprises, analystes financiers, responsables politiques, économistes, publicitaires, prêtres et vedettes du show-business ont essayé de nous inculquer un optimisme cosmique de ce type.

9.

In recent years cosmic optimism of this sort has become familiar stuff, something we have grown used to hearing not only from superstar journalists but also from CEOs, stock market analysts, politicians, economists, TV commercials, preachers, and even pop stars.

10.

C’est même devenu la foi officielle américaine.

10.

It is very much the official American faith of the last ten years.

11.

Le livre de Thomas Friedman marque cependant un jalon supplémentaire.

11.

Even so, Friedman’s contribution to the subject stands out.

12.

L’auteur est après tout le commentateur de politique étrangère le plus influent de la seule superpuissance du monde, le titulaire de deux prix Pulitzer et le journaliste qui, autrefois, était tellement proche du département d’État et de son patron d’alors qu’un hebdomadaire l’avait qualifié de "fonctionnaire du ministère de l’information de James Baker".

12.

After all, he is among the most respected foreign-affairs commentators in the US, a two-time winner of the Pulitzer prize, and once so close to the head of the foreign policy establishment that the American weekly The New Republic described him years ago as a functionary of the "James Baker ministry of information".

13.

L’analyse de la mondialisation à laquelle Thomas Friedman se livre peut donc, raisonnablement, être entendue comme l’écho de la pensée officielle de Washington.

13.

His contribution to the subject of globalisation can be expected to hew close to official wisdom.

14.

Et, dans ces conditions, le ton de son ouvrage reflète une escalade sémantique tellement gigantesque, un ethnocentrisme à ce point arrogant et démesuré qu’il devrait susciter partout un mouvement de recul —ou d’effroi.

14.

What will surprise readers of The Lexus and the Olive Tree is the massive escalation of rhetoric in which that official wisdom is expressed, a tone of arrogance so grandiose that one suspects the author has taken leave of his senses.

15.

Le point de départ du livre n’a cependant rien qui puisse surprendre.

15.

The book’s ostensible subject is predictable enough.

16.

Thomas Friedman veut nous convaincre que le triomphe du capitalisme aurait apporté la liberté aux peuples du monde.

16.

Friedman intends to prove that the global triumph of capitalism has brought democracy to the people of the world.

17.

Il nous raconte donc la "démocratisation des technologies" grâce à quoi nous serions tous équipés de téléphones et d’ordinateurs ; il s’émerveille de la "démocratisation de la finance" qui nous permet d’investir partout et dans chaque domaine ; il nous dépeint les miracles de la "démocratisation de l’information", c’est-à-dire essentiellement la multiplication des chaînes de télévision à présent offertes à notre curiosité.

17.

He tells us of the "democratisation of technology" in which we all get computers and telephones ; he marvels at the "democratisation of finance" in which we all get to invest in everything ; he paints for us a miraculous "democratisation of information" in which we get more TV channels than ever before.

18.

La convergence de ces forces aurait érodé puis subverti toutes les hiérarchies pyramidales, qu’elles soient soviétique, indonésienne ou américaine ancien style.

18.

All of these forces have combined to subvert top-down hierarchies of all kinds, he asserts, whether Soviet, Indonesian, or old-style American corporate.

19.

Internet vient illustrer le propos , éclairant à la fois le lieu le plus démocratique de la Terre et le "modèle de la concurrence parfaite".

19.

It’s not long before he’s hailing the Internet as both the most democratic place on earth and the very "model of perfect competition."

20.

Mais la route de Thomas Friedman est encombrée d’erreurs factuelles et analytiques. Elles sont d’une telle importance et d’une telle évidence qu’on se demande un peu comment elles ont pu échapper aux correcteurs de sa maison d’édition, pour ne rien dire de ceux du New York Times qui a publié de larges extraits du livre.

20.

Friedman’s path is littered, however, with errors of fact and interprÉtation so utterly obvious that one wonders how they made it past editors at his publishing house, let alone at the New York Times.

21.

Ainsi, l’auteur répète sans se démonter que l’État-providence et les politiques de régulation (apparus aux États-Unis pendant les années 30) seraient le produit des pressions nées de la guerre froide ; il prétend qu’autrefois les obligations et les bons du Trésor émis par les pays étrangers n’étaient pas échangés sur un marché des capitaux ouvert à n’importe quel épargnant , alors que, aujourd’hui, "vous, moi et ma tante Bev" pouvons acheter des valeurs sud- américaines, ce qui, naturellement, prouverait la démocratisation de la propriété ; il décrit Hongkong et Singapour comme plus "démocratiques" que la Corée du Sud ; il impute le déclenchement de la première guerre mondiale aux seules intrigues de l’empire austro-hongrois ; il consacre tout un chapitre à l’ "idée" que jamais deux pays abritant des McDonald’s ne se sont fait la guerre.

21.

For example, he repeatedly and mysteriously implies that the welfare state and regulatory policies instituted in the 1930s were in fact somehow brought about by the pressures of the cold war. He incorrectly asserts that "in the old days" foreign securities "were never traded on an open market" while now "you and me and my Aunt Bev" can all buy South American bonds, which of course figures as spectacular evidence of the democratisation of ownership (Friedman has presumably never heard about the infamous Peruvian bonds which were sold to all manner of middle Americans in the 1920s). He erroneously describes Hong Kong and Singapore as being more "democratic" than South Korea. He offhandedly blames the first world war on the intriguing of Austria-Hungary. He devotes an entire chapter to the absurd notion that no two countries in which there are McDonalds restaurants have ever warred with each other.

22.

L’erreur est une chose, même quand elle est décidément plurielle. La propagande en est une autre.

22.

Error is one thing ; deliberate propaganda is quite another.

23.

Commençons par la marque de voiture de luxe (Lexus) et par l’arbre tenace (l’olivier), qui donnent son titre à l’ouvrage.

23.

Start with the car and the tree that are counterposed in Friedman’s title.

24.

Ils servent à suggérer l’affrontement entre, d’une part, les excellentes forces de la modernité et de la mondialisation économique et, d’autre part, les détestables tentations de l’archaïsme et du repli national.

24.

These are meant to refer to excellent globalising economic forces on the one hand and foolish, backward regionalism on the other.

25.

En soi, l’idée n’est guère originale tant elle renvoie au livre, infiniment plus subtil, de Benjamin Barber, Jihad vs. McWorld, paru en 1995. Mais le prestigieux éditorialiste de politique étrangère donne l’impression de n’avoir jamais entendu parler du travail de Benjamin Barber.

25.

It’s not an original image. One thinks immediately of Benjamin Barber’s infinitely more balanced 1995 treatment of the same subject, Jihad vs. McWorld, but Friedman gives no sign that he has read Barber’s book.

26.

Pis, on a le sentiment qu’il n’a lu aucun des ouvrages de référence parus ces dernières années aux États-Unis sur le sujet et qui ont discuté, intelligemment, la vision béate de la mondialisation défendue aujourd’hui par Thomas Friedman. Ni celui de John Gray, ni celui de William Greider, ni celui de Doug Henwood.

26.

Indeed, Friedman gives no sign that he’s read any of the sophisticated expressions of doubt about capitalism or globalisation to appear in recent years - for example, the books by John Gray, William Greider or Doug Henwood.

27.

L’auteur ayant pour projet affiché de ridiculiser toute critique de la mondialisation, il lui faut attribuer cette critique aux cibles habituelles de l’aversion américaine : dictateurs, esprits obtus, "politiciens", Français.

27.

Doubt about globalisation is a sentiment he means to crush utterly and so he insists on attributing it exclusively to dictators, bigots, politicians, the French, and other traditional targets of American loathing.

28.

En aucun cas, le doute ou le scepticisme concernant la direction d’un monde régi par les marchés ne doivent s’exprimer de manière à peu près intelligente.

28.

Under no circumstances can scepticism about markets be permitted a reasonable articulation.

29.

Le livre de Thomas Friedman opère en effet davantage comme un texte destiné à la conversion qu’à la réflexion : le monde change à toute allure et il ne faut plus perdre de temps, nous explique l’auteur dans un style un peu haletant de camelot infatigable et émerveillé. Non, c’est même mieux : le monde a changé.

29.

This is a millennial work in the fullest sense of the word. The world is changing ever so fast, Friedman tells us in his gawking, wonder-filled style ; no, wait, the world has changed - in American barbershops they are now talking about the Thai currency.

30.

Les Japonais construisent des voitures extraordinaires dans des usines presque entièrement automatisées ; partout, des individus qui se sont pris en main assument des responsabilités formidables ("super-empowered") ; dans les salons de coiffure des États-Unis, chacun discute de l’effondrement de la devise thaïlandaise ! Tout cela serait à la fois "global et glorieux" ("globalorious").

30.

Individuals everywhere are "super- empowered", the Japanese are building really fine cars with almost no human labour —and it’s globalorious !

31.

Et rien n’illustre mieux le ton de prédicateur du livre que sa couverture avec lettres d’or sur fond d’aube orangée se levant sur le globe.

31.

The book’s cover says it all, with its raised golden lettering and its picture of orangey dawn breaking over the globey globe, a bit like a popular religious tract.

32.

Thomas Friedman vient d’écrire le bréviaire de scientologie du nouveau capitalisme, et il le destine à ses bénéficiaires.

32.

It’s Dianetics for the new breed of international profiteers.

33.

Sur le plan rhétorique, on peut être tenté d’assimiler l’ouvrage à la version "littéraire" des derniers engouements boursiers américains.

33.

Friedman’s rhetorical strategy is the literary version of the United States’ recent stock-market mania.

34.

Car, tout comme les courtiers de Wall Street qui ont provoqué l’envol des actions Amazon, Thomas Friedman a repéré les idées à la mode de ces dix dernières années et a enchéri sur elles.

34.

Like day-traders running up the price of Amazon shares, Friedman has simply identified the various fad ideas of the last ten years and bid them up a little more.

35.

Ainsi s’explique, par exemple, la manière presque jubilatoire dont il évoque la situation des pays (autres que les États-Unis) soumis au jugement du "troupeau électronique", c’est-à-dire à celui des acheteurs d’obligations et de bons du Trésor de la planète, qui peuvent déplacer des centaines de milliards de dollars du bout des doigts sur leur ordinateur.

35.

Take Friedman on countries other than the US. He repeatedly asks readers to imagine their humiliation at the hands of what he likes to call "the electronic herd", otherwise known as buyers of securities, and invents all manner of pithy putdowns that the "herd" might deliver as it leaves a country in the dust.

36.

Dans un chapitre, l’auteur imagine les États du monde aussi sagement réunis devant lui que les cours de la Bourse sur la page d’un quotidien financier. Et, souverain, il dispose du pouvoir de recommander qu’on "achète" certains et qu’on "vende" les autres.

36.

In one chapter he imagines the nations of the world spread out before him like so many stock listings in the daily newspaper ; he recommends that we "buy" some and "sell" others.

37.

La redéfinition de la démocratie découle de ce genre un peu particulier de bonheurs.

37.

Or take his definition of democracy.

38.

Il ne s’agit plus alors ni de citoyenneté ni de bien commun, mais d’argent : c’est le "un dollar égale une voix", système par lequel le marché et les intérêts industriels privés décident — naturellement et justement— ce que chacun d’entre nous est désormais tenu de faire.

38.

It is not a thing of citizenship and the common good but a simple matter of money. It is "one dollar, one vote" —a system in which the market and corporate interests rightly and naturally dictate to everyone else.

39.

Dans ces conditions, alors même que Thomas Friedman ne cesse d’exalter le Peuple, enfin libéré , à l’en croire , des contraintes ancestrales, étatiques et nationales, il nous prévient que le vrai maître, le marché, n’acceptera plus que l’action de nos gouvernants déborde du cadre infiniment contraignant des opinions autorisées.

39.

Thus even as Friedman whoops it up for the People, he takes pains to warn us that the real boss, the market, will not tolerate any sort of political activity beyond its very narrow spectrum of permissible beliefs.

40.

Aucun pays souhaitant participer à la mondialisation "globale et glorieuse" n’aura donc le droit de réglementer ses marchés ou de s’occuper des déshérités au-delà de ce que l’éditorialiste du New York Times juge approprié.

40.

No country that wishes to participate in the global gloriosity will be allowed to regulate its markets or provide for its unfortunates beyond what Friedman deems appropriate.

41.

Autant dire que "[leurs] choix politiques se résument à Pepsi-Cola contre Coca-Cola, à de faibles nuances de goûts, de faibles nuances d’orientations (...) , mais jamais la moindre déviation par rapport aux règles centrales".

41.

Their "political choices get reduced to Pepsi or Coke - to slight nuances of taste, slight nuances of policy ... but never any major deviation from the core golden rules".

42.

Thomas Friedman, naturellement opposé à la taxe Tobin n’oublie d’ailleurs pas de décrire les divers châtiments qui s’abattent sur un pays quand les investisseurs le "fuient en masse" et quand les Bourses dégringolent.

42.

He even describes the various punishments that the wrong sort of voting would bring down on a country, as investors "stampede away" and stock markets crash.

43.

Mais le plus révélateur du livre tient à l’idée que l’auteur semble se faire des États-Unis eux-mêmes, c’est-à-dire du pays à l’image duquel les marchés voudraient reconstruire le monde.

43.

Most revealing is Friedman’s understanding of the US itself, the country in whose image markets quite naturally wish to remake the world.

44.

Dans son ultime chapitre, l’éditorialiste du New York Times nous demande de réfléchir avec lui à la manière dont un "géoarchitecte visionnaire" —une forme de Dieu ?— imaginerait la nation idéale, comment Il exigerait "les marchés les plus flexibles du monde", comment Il garantirait que tout mode de vie "rebelle" et excentrique soit accueilli dans les conseils d’administration comme autant de marques de créativité.

44.

In a closing chapter he asks us to wonder with him at how "a visionary geo-architect" (i.e., God) would go about designing the ultimate nation, how He would insist that it had "the most flexible labour market in the world", how He would ensure that all manner of rebellions and zany lifestyle accessories would be tolerated in the boardroom as the signs of creativity that they are.

45.

Mais aussi comment Il veillerait à ce que les directions d’entreprise puissent "engager et licencier les travailleurs [c’est moi qui souligne]

45.

But also (only a few sentences later) how He would be sure to allow corporate managements to "hire and fire workers with relative ease".

46.

Ainsi, il ne suffirait plus de deviner derrière les "plaines riches en fruits" des États-Unis la main de la Providence ou, comme Rockefeller le fit en son temps, de proclamer que "Dieu m’a donné mon argent".

46.

Evidently it is no longer enough to see providence in our "fruited plains" or even to claim, as Rockefeller did, that "God gave me my money".

47.

Il faudrait aussi imaginer que c’est une divinité qui rédige les ouvrages de management, qui licencie les ouvriers en grève, qui délocalise le travail, qui fait de Manpower le principal employeur du pays.

47.

In passages like these Friedman is virtually asking us to imagine God descending from the heavens to draft the script for management, send in the strikebreakers, and make Manpower the fastest-growing employer in the land.

48.

Sur le plan de l’écriture, le livre s’apparente au discours publicitaire des firmes de courtage et de logiciels.

48.

In stylistic terms the book seems to belong to that genre of madly triumphalist TV commercials that the software and brokerage industries have been running in recent years.

49.

L’auteur cite certaines de ces réclames, non pas comme exemples d’un effort de conditionnement de l’opinion, mais en guise de confirmation de ses prophéties chamaniques, dont on imagine qu’elles pourraient presque être conclues par un fervent "Ainsi soit-il !".

49.

Not coincidentally, Friedman quotes such commercials throughout his book -not as examples of transparent corporate PR or efforts to sell something, but as particularly compelling, particularly truthful bits of shamanistic soothsaying which he evaluates only by appending his fervent Amens.

50.

Si l’auteur écrit comme un publicitaire, il tient à nous faire savoir qu’il pense comme un "gestionnaire de hedge fund".

50.

Thomas Friedman may write like a TV commercial, but he proudly informs us that he thinks like a "hedge fund manager", one of those high-powered international investment bankers.

51.

Car, nous explique-t-il doctement, il importe de percevoir le monde à travers un prisme composé simultanément de six " dimensions ", là où chacun continuerait à n’en distinguer que cinq, quatre ou trois.

51.

This is because, as he puts it, he finds it helpful to think about the world in six different "dimensions" while everyone else except for him and his friends, the hedge fund managers, thinks only in five, or four, or three.

52.

L’appellation choisie pour cette approche culturelle complexe est parlante, qui reprend le jargon boursier : il s’agit d’ "arbitrage".

52.

Friedman calls his method of cultural reasoning "arbitrage".

53.

Si de futurs étudiants se penchent sur les années 90 et cherchent à situer le livre de Thomas Friedman dans le courant intellectuel de l’époque, ils seront sans doute tentés de le rattacher aux best-sellers de la littérature du business, et à ce genre particulier connu sous le nom de "futurisme", qui postule et ne cesse de s’émerveiller devant un taux toujours croissant de "changements", qui multiplie les néologismes, qui confectionne à un rythme d’enfer les "métanarratifs" destinés à remplacer les vieilles catégories jugées archaïques ou pitoyables (les classes sociales, en particulier), qui empile les graphiques censés tout expliquer — la géopolitique, la stratégie des entreprises, le degré d’enthousiasme des consommateurs— en fonction d’algèbres indexées sur les critères de la pop-psychologie américaine.

53.

When future students of the 1990s seek to categorise his book they will be tempted to understand it as a contribution to that popular genre of business writing known as "futurism," a literature marked by its wonder-filled talk about the ever-increasing rate of "change" ; its ranks of neologisms ; its homegrown "metanarratives" destined to replace archaic or pitiful categories like social class ; and its telltale charts, purporting to explain geopolitics or management strategies or consumer enthusiasm according to some calculus of pop-psychology categories.

54.

Peut-être sans le vouloir, l’éditorialiste du New York Times a rédigé le dictionnaire des idées à la mode chez les dominants de la planète.

54.

But what Friedman has actually written is a veritable dictionary of the shibboleths of our time, awesome in its inclusiveness.

55.

Tout s’y trouve : l’enthousiasme pour le "changement d’image de marque" du Royaume-Uni depuis Mme Margaret Thatcher, les quolibets réservés à une France qui consacrerait trop d’efforts au maintien de l’État-providence, l’amalgame entre la politique américaine de "grande société" qui chercha, dans les années 60, à refouler la pauvreté aux États-Unis et celle de la planification soviétique.

55.

They are all there : enthusiasm for the "rebranding" of Britain, casual badmouthing of France for its efforts to retain its welfare state, facile equating of Great Society America with the Soviet Union.

56.

Isolément, chacun de ces clichés est à la fois inquiétant et un peu niais. Mis bout à bout, ils composent une mosaïque accablante.

56.

Each of them is monstrous, foolish, and preposterous in its own way, but thrown together here they make a truly dispiriting impression.

57.

Lire The Lexus and the Olive Tree, c’est réentendre les discours de M. Newton Gingrich, penseur de la nouvelle droite américaine et se souvenir de l’impression qu’ils nous ont faite alors. Quand elle fait la navette entre les think-tanks à la page, le département d’État et les salles de rédaction du New York Times, quand elle discute de ce qu’elle aimerait faire des États-Unis et du reste du monde, est-ce vraiment cette somme-là de préjugés qui sert de pensée à la classe dirigeante ?

57.

I can only compare the sensation of reading The Lexus and the Olive Tree to the first time I heard Newt Gingrich speak publicly and it began to dawn on me that this is what the ruling class calls thinking, that this handful of pathetic, palpably untrue prejudices are all they have to guide them as they shuttle back and forth between the State Department and the big thinktanks, discussing what they mean to do with us and how they plan to dispose of our country.

Courrier International | Jules Verne | Le Monde diplomatique | National Geographic | Time Magazine |
© UP | EA3816 Laboratoire FORELL - Maison des Sciences de l'Homme et de la Société, 99 avenue du Recteur-Pineau 86000 Poitiers
..:: Contact : Webmaster ::..