-->
1. Au mois d’octobre 2000, une marche mondiale des femmes contre la pauvreté et les violences convergera à New York. Une délégation rencontrera le secrétaire général des Nations unies, M. Kofi Annan (lire page 16). Ces centaines de milliers de femmes qui se mobilisent à travers la planète exigent une véritable égalité politique, dénoncent une mondialisation débridée dont elles sont les premières victimes, condamnent les brutalités en temps de guerre —viols notamment— comme en temps de paix - excision (lire page 18), épouses battues. Elles revendiquent toute leur place dans les organisations politiques et syndicales (lire, pages 18 et 19). Car, cinq ans après la conférence de Pékin sur les droits des femmes, les nombreuses bastilles de l’inégalité et du machisme restent à abattre. |
|
1. In October women marching aainst poverty and violence from
all over the world will converge on New York. A delegation
will meet Kofi Annan, the UN secretary general. Hundreds of
thousands of women are mobilising to demand genuine
political equality, denounce an unbridled global economy of
which they are the first victims, and condemn brutality (in
particular rape), genital mutilation and domestic violence.
They are also determined to play an equal part in political
parties and unions. Five years after the Beijing conference
many bastions of inequality and male chauvinism have yet to
be breached. |
-->
-->
2. Durant la session spéciale de l’Assemblée générale des Nations unies, qui se tient à New York du 5 au 9 juin 2000, se retrouveront États, organisations non gouvernementales (ONG) et Nations unies pour examiner l’état de mise en oeuvre du programme d’action de la conférence de Pékin sur les femmes. A cette fin, la grande majorité des gouvernements ont soumis des rapports évaluant leurs activités pour chacun des douze sujets prioritaires identifiés à Pékin. De nombreuses ONG ont présenté des rapports dits "alternatifs", qui offrent une vision plus critique des activités gouvernementales. La Commission sur le statut de la femme, organe officiel des Nations unies qui siège à New York, a, quant à elle, préparé un document de synthèse résumant, pour chacun des douze thèmes, les progrès et obstacles enregistrés et identifiant les "nouveaux" défis. |
|
2. From 5 to 9 June representatives of states, non-governmental
organisations and the United Nations will meet in New York
for a special session (Beijing + 5) of the UN General
Assembly to review progress implementing the Platform for
Action decided at the Beijing conference on women. The vast
majority of governments have submitted reports assessing
their performance for each of the 12 priority topics
identified in Beijing. A large number of NGOs have presented
"alternative" reports, providing a more critical view of
government achievements. The Commission on the Status of
Women, an official UN body based in New York, has prepared a
summary document outlining, for each of the topics, the
progress and obstacles encountered, as well as identifying
new challenges. |
-->
-->
3. L’énergie créative et probablement la contestation que devrait susciter cette rencontre seront les bienvenus. Car, cinq ans après Pékin, les raisons de se réjouir sont bien minces. Certains "progrès" (plutôt que succès) ont bien été enregistrés, tels que la mise en oeuvre de mesures visant à assurer l’égalité politique et la participation des femmes aux décisions, ou les réformes des mesures discriminatoires dans les codes civils ou pénaux. |
|
3. The creative energy and opposition that this meeting is
likely to arouse will be welcome. Five years after the
Beijing Declaration there is little cause for celebration.
Some progress has been made, but there has been no outright
success. Governments have, for instance, introduced measures
to secure political equality and involve women in
decision-making, or reformed discriminatory measures in
civil and criminal law. |
-->
-->
4. Mais, outre le fait que ces progrès sont inégaux et largement au stade de bonnes intentions, ils se sont aussi accompagnés de la marginalisation économique grandissante de la majorité des femmes et de la persistance des violences à leur égard. |
|
4. But these projects are often inconsistent, still barely more
than good intentions, and in the meantime most women play an
increasingly marginal role in the economy and still have to
put up with male violence. |
-->
-->
5. Dans de nombreux cas, le principe d’égalité civique et l’idée de parité et de mesures positives ont fait leur chemin. Plusieurs États ont soit entrepris des réformes légales et éliminé certaines mesures discriminatoires dans le code de la famille ou pénal, soit entamé un débat sur ces réformes. |
|
5. Even so, in many cases, the principle of civil equality and
the idea of parity and affirmative action have progressed.
Several states have either undertaken legal reforms and
removed some discriminatory clauses from family or criminal
law, or initiated a discussion of these reforms. |
-->
-->
6. Si le terrain de l’égalité civique et politique a été l’objet d’une plus grande attention et de mesures positives, cela est en soi peu surprenant. Cette situation reflète l’évolution générale qui a caractérisé le respect des droits humains depuis la fin de la seconde guerre mondiale, et en particulier l’intérêt privilégié accordé aux droits politiques et civiques au détriment des "autres" droits, économiques, sociaux ou culturels. De ce déséquilibre, les femmes ont cependant retiré, progressivement et presque partout, le droit de vote et celui d’être reconnues dans les textes comme citoyennes à part entière. |
|
6. It is hardly surprising that civil and political equality
should have attracted the largest share of attention and
positive measures. This situation reflects the overall trend
on respect for human rights since the second world war and,
in particular, the special interest in political and civil
rights to the detriment of other economic, social and
cultural rights. This imbalance has, nevertheless, enabled
women to win voting rights and official recognition of their
full citizenship. |
-->
-->
7. Mais, au même titre que les minorités ethniques ou religieuses par exemple, elles n’auraient pas autant bénéficié de cette évolution si d’autres changements n’avaient eu lieu, en particulier la prise en compte des différences dans la définition et la mise en oeuvre des droits politiques et civiques. Au cours de cette deuxième étape, qui doit beaucoup au mouvement des droits civiques des États-Unis et à celui des intouchables en Inde, les mouvements sociaux et certains gouvernements se sont concentrés sur l’impact que le "genre" ou l’appartenance ethnique peut avoir sur la capacité des citoyennes et citoyens à jouir réellement de leurs droits et à participer à la vie démocratique. Comme l’explique le philosophe Jurgen Habermas, "les droits peuvent donner aux femmes le pouvoir (empower) de forger leurs vies uniquement s’ils leur permettent également une participation égale dans l’autodétermination civique, car seules les femmes elles-mêmes peuvent décider des aspects pertinents qui définissent l’égalité et l’inégalité dans un domaine donné". |
|
7. But, as is the case for ethnic or religious minorities,
women would not have benefited from this trend if other
changes had not occurred - in particular allowance for
differences when defining and upholding political and civil
rights. The second step owes a great deal to the civil
rights movement in the United States and the Untouchables in
India. And social movements and some governments have
concentrated on the impact that gender or belonging to a
specific ethnic group has on the ability of citizens, of
either sex, to take full advantage of their rights and play
their part in democratic life. As philosopher Jürgen
Habermas explains, "Rights can empower women to shape their
own lives autonomously only to the extent that these rights
also facilitate equal participation in the practice of civic
self- determination, because only women themselves can
clarify the ‘relevant aspects’ that define equality and
inequality for a given matter". |
-->
-->
8. Les principes d’égalité politique et civique qui sont issus de cette démarche sont fondés sur l’idée de participation sans discrimination, mais aussi sur celle de représentation égale ou paritaire. En parallèle, ou en conséquence, l’égalité dans ce domaine n’a plus été considérée comme le résultat mécanique ou une fonction de l’égalité économique, mais comme un lieu quasi autonome de revendications et une nécessité en soi. A ce changement d’attitude de nombreuses organisations de femmes s’est ajouté un calcul pragmatique : le politique et le juridique offrent plus de possibilités de réformes que l’économie. |
|
8. The principles of political and civil equality that have
developed out of this approach are based on the idea of
participation without discrimination, but also on equal
representation. At the same time, or as a consequence, this
form of equality is no longer seen as the automatic result
of economic equality, or as a function of it, but rather as
a separate focus for demands and a necessity in itself. More
pragmatic considerations have accompanied this change in
attitude by many women’s organisations, as there is more
scope for reform in the political and legal sphere than in
the economy. |
-->
-->
9. Pourtant, même dans ce secteur, le bilan global est loin d’être positif. La lecture des rapports d’Amnesty International confirme la persistance des violations des droits politiques et civiques des femmes comme des hommes, ou celles subies spécifiquement par les femmes. |
|
9. Yet even in this respect, the overall achievement is far
from positive. Amnesty International reports confirm that
the political and civil rights of men and women continue to
be violated and that gender-specific violations persist. |
-->
-->
10. D’autre part, malgré l’importance attribuée à l’égalité politique et au fonctionnement démocratique, malgré le travail continu des groupes de femmes pour faire en sorte que cette égalité se conjugue aussi au féminin, la participation et la représentation des femmes au sein des instances de pouvoir reste faible. Ainsi, aux 39 % de femmes au sein des Parlements des pays nordiques s’opposent les 14 % pour l’Europe de l’OSCE —sans les pays nordiques—, les 15 % dans les Amériques et en Asie, les 11% en Afrique et les 4 % au Proche-Orient. |
|
10. Moreover, women’s participation and representation in
government is still slight, despite the importance attached
to political equality and the democratic process, and the
continuing work of women’s groups to gain equality for all.
Women account for 39% of elected representatives in
Scandinavian parliaments, but only 14% in OSCE countries
(Organisation for Security and Cooperation in Europe),
excluding Scandinavia, 15% in America and Asia, 11% in
Africa and only 4% in the Middle East. |
-->
-->
11. Idéologie patriarcale |
|
11. Patriarchal ideology |
-->
-->
12. Les raisons de cet état de fait varient, bien sûr, d’un lieu à un autre. Le rapport de synthèse des Nations unies et de nombreux rapports gouvernementaux mettent l’accent sur la persistance d’une idéologie patriarcale, qui caractérise entre autres la division du travail domestique : l’égalité serait en panne parce que les femmes font des enfants, les élèvent et cuisinent... A se demander si les pays scandinaves sont à l’orée d’une extinction démographique... A se demander aussi s’il existe dans la majorité des pays une réelle volonté politique à surmonter ces obstacles et à assurer dans les textes comme dans les faits le principe d’égalité politique et civique. |
|
12. Of course, the reasons for this situation vary from one
place to the next. The summary reports submitted by the UN
and the numerous government reports highlight the
persistence of patriarchal ideologies, reflected, among
other things, in the division of labour in the home.
Equality, they would have us believe, is not being achieved
because women have children, bring them up, do the cooking
and so on. If this were true, then the population of
northern Europe would run the risk of extinction. More
seriously, it raises the question of whether there is any
real political will to overcome obstacles and establish the
principle of civil and political equality in theory and in
practice. |
-->
-->
13. On peut citer, parmi tant d’autres exemples, celui du gouvernement américain qui n’a toujours pas ratifié la Convention contre toute forme de discrimination à l’égard des femmes, et celui du Parlement koweïtien qui a refusé d’accorder le droit de vote aux femmes. Cette égalité a été aussi bafouée en Jordanie, lorsque le Parlement a voté une seconde fois contre un amendement de l’article 340 du code pénal qui réduit la peine imposée à un meurtrier accusé d’un crime d’ "honneur". Et, en Afghanistan, il s’agit bien de l’ensemble de leurs droits humains qui est bafoué. |
|
13. The US government is a typical example. It still has not
ratified the Convention on the Elimination of All Forms of
Discrimination against Women (Cedaw). The Kuwait parliament
refuses to give women the vote. The Jordanian parliament
flouted the principle of equality when it voted, for the
second time, against an amendment to Clause 340 of the penal
code, which reduces the sentence handed down to murderers
found guilty of crimes of "honour". Afghanistan displays a
total disregard for all human rights. |
-->
-->
14. Parallèlement, et sur le terrain économique et social, le rapport des Nations unies a établi que la mondialisation (entendue comme dérégulation et libéralisation des marchés financiers et du travail) a accentué les inégalités à l’échelle nationale et internationale ainsi que celles liées au genre : "Des inégalités grandissantes dans les situations économiques entre et à l’intérieur des pays, ajoutées à une dépendance économique croissante des États par rapport à des facteurs extérieurs ont entravé leur capacité à assurer une protection sociale et la mise en oeuvre du programme d’action (la féminisation croissante de la pauvreté mine les efforts pour assurer une plus grande égalité entre les sexes." |
|
14. At the same time, the UN report shows that in the economic
and social sphere the shift towards a global economy (in
other words, the deregulation and liberalisation of
financial and labour markets) has accentuated national and
international differences, as well as gender-specific
inequality : "Increasing disparities in the economic
situation among and within countries coupled with a growing
economic dependence of states on external factors hindered
their ability to provide social protection and social
security, as well as funding, for the implementation of the
Platform for Action" and "increasing feminisation of poverty
undermines efforts to achieve greater equality". |
-->
-->
15. La mondialisation a eu ainsi un impact négatif sur les fonctions reproductives des femmes, provoqué en grande partie par la diminution des budgets nationaux attribués à la santé et/ou la privatisation des services médicaux. Elle s’est aussi traduite en maints endroits, notamment dans les secteurs à main-d’oeuvre féminine, par une diminution des coûts salariaux et de la protection sociale. Selon des chiffres de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), lors de la crise asiatique de 1998, 80 % des deux millions de personnes ayant perdu leur emploi en Thaïlande étaient des femmes. Le rapport provisoire des Nations unies laisse aussi entrevoir que les pratiques liées à la mondialisation se sont appuyées sur une idéologie patriarcale qui existait précédemment mais que la mondialisation a su intégrer, quand elle ne l’a pas renforcée. |
|
15. The global economy has also had a negative impact on the
reproductive functions of women, mainly due to cuts in
national health spending and privatisation of medical
services. In many places, in particular in sectors employing
large numbers of women, it has also resulted in lower pay
and welfare cover. According to figures from the
International Confederation of Free Trade Unions, 80% of the
2m people in Thailand who lost their jobs during the 1998
financial crisis were women. The draft UN report suggests
that working practices promoted by global trading are based
on existing patriarchal traditions, combined with, or even
strengthened by, modern methods. |
-->
-->
16. Ainsi, trois des phénomènes liés à la mondialisation —la multiplication des "sweat shops" (ateliers de sous-traitance), des emplois à temps partiel et des formes de travail les plus précaires— frappent avant tout les femmes, notamment celles du Sud et les immigrées : la mondialisation a su ainsi incorporer et utiliser une division du travail et un système de valeurs reposant, entre autres, sur la dévaluation des fonctions occupées par les femmes. |
|
16. Three of the most typical trends —the increasing use of
sweat-shops, part-time jobs and casual labour— above all
concern women, whether they live in the South or have
migrated to the developed world. Globalisation has also
integrated and used a division of labour and a system of
values based, among other things, on depreciation of the
jobs occupied by women. |
-->
-->
17. Les rapports nationaux et le rapport de synthèse attribuent l’échec des gouvernements dans la mise en oeuvre le programme d’action de Pékin à leur incapacité (plutôt qu’au manque de volonté politique), une incapacité résultant de la mondialisation elle-même. Certes, on ne peut ignorer l’influence du contexte socioéconomique global dont la maîtrise échappe bien souvent aux États auxquels incombe précisément la tâche de faire appliquer les droits humains, en général, économiques et sociaux en particulier. |
|
17. The national and summary reports explain that if governments
have failed to implement the Beijing Platform for Action, it
is not that they lack political determination, but because
the global economy itself prevents them from doing so. It is
certainly true that no one can ignore the influence of the
global social and economic context, which is often beyond
the control of states who are nevertheless responsible for
upholding human and, in particular, social and economic
rights. |
-->
-->
18. Mais il faut aussi souligner que l’échec des gouvernements dans ce domaine n’est pas nouveau et que des facteurs politiques, en premier lieu la guerre froide et la polarisation idéologique, les ont longtemps confinés à la marginalisation. Rien ne serait dès lors plus démobilisateur que de subordonner le respect des droits humains des femmes (comme des hommes) à la fin ou à l’autodestruction de la mondialisation. L’histoire de l’humanité prouve qu’il n’existe pas de circonstances politico-économiques parfaites pour leur mise en oeuvre. Des initiatives sont possibles dès maintenant, qui peuvent s’articuler autour de deux pôles : la réaffirmation des obligations internationales des États et de leur rôle politique ; l’élaboration détaillée des obligations internationales des grandes sociétés et des institutions financières internationales en matière de droits humains. |
|
18. There is nothing new about the failure of governments in
this respect. Political factors — primarily the cold war
and the accompanying ideological stand-off— ensured that
human rights issues remained a secondary issue. But nothing
would be more dispiriting than to subordinate respect for
the human rights of women (and men) to the end or
self-destruction of the global economy. The history of
humanity shows that political and economic circumstances are
never ideal. On the contrary, initiatives are possible right
now in two areas. We must reaffirm the international
obligations and political role of states, and major
corporations and finance organisations must make detailed
commitments on global human rights. |
-->
-->
19. Ce second pôle fait l’objet d’une attention grandissante mais récente. Il s’agit d’obtenir en droit (domestique comme international, civil comme criminel), et dans les faits que les multinationales et les institutions financières ont des obligations et qu’elles peuvent être tenues responsables pour les violations qui accompagnent leurs activités économiques ou financières. Elles doivent notamment s’assurer que les politiques ou les activités qu’elles mettent en oeuvre ne violent pas (directement ou indirectement) les droits humains. |
|
19. The second issue has been attracting increasing attention.
The aim is to make it a legal (in national and international
law, both civil and criminal) and practical principle that
multinationals and financial institutions have obligations,
and that they can be held responsible for violations
associated with their economic or financial dealings. In
particular, they must ensure that their policies or
activities do not violate human rights directly or
indirectly. |
-->
-->
20. D’autre part, et malgré le discours hégémonique international, il faut défendre l’action politique des gouvernements. Si le phénomène de la mondialisation peut expliquer certains aspects de l’évolution de la situation des femmes de par le monde, en particulier dans les pays les moins développés, il n’explique pas tout, et sûrement pas la démission politique de certains gouvernements, notamment dans le domaine de la lutte contre la discrimination. Il n’explique pas, par exemple, l’absence de ratification universelle de la Convention contre toute forme de discrimination à l’égard des femmes et de son protocole additionnel, qui permettra aux femmes et aux organisations non gouvernementales de porter plainte contre un État qui viole ses obligations définies par la convention. Il n’explique pas pourquoi seuls certains États ont légiféré contre les mesures ou pratiques discriminatoires concernant le droit des femmes à la propriété, à l’accès à la terre ou au crédit. Il n’explique pas non plus pourquoi le fossé séparant le salaire horaire d’une femme scandinave d’un homme est de 17 %, alors qu’il est le double au Royaume-Uni. |
|
20. In addition, we must defend the political action of
governments, despite increasing talk of international
forces. The spread of the global economy may explain some
aspects of the changes in women’s status throughout the
world, in particular in the least developed countries. But
it does not explain everything and certainly not the
political abdication of certain governments, particularly in
the fight against discrimination. Nor, for example, does it
explain why the Cedaw, and its optional protocol, have not
been universally ratified, enabling women and NGOs to
register complaints about states which fail to comply with
the obligations specified by the convention. It certainly
does not explain why some states have legislated against
discriminatory measures or practices concerning women’s
right to property, access to land or loans. Nor indeed does
it explain why the disparity between the average hourly wage
of women in Scandinavia and their male counterparts is 17%,
whereas it is twice that amount in the United Kingdom. |
-->
-->
21. Une analyse des rapports remis dans le cadre de la conférence de bilan de Pékin met en lumière une marge de manoeuvre politique, même dans des domaines aussi soumis aux influences extérieures que le marché et la protection du travail, et un espace d’actions politiques que les États choisissent ou non de mettre en oeuvre. Dans bien des cas, il n’y a rien eu d’autre qu’une abdication par les États de leurs responsabilités. Cette démission est flagrante dans le domaine de la violence. |
|
21. Close examination of the reports submitted to the Beijing +
5 conference reveals that there is room for political
manoeuvre, even in fields as subject to outside influence as
the market or labour law. There is also scope for political
action regardless of whether states choose to act. In many
cases, they quite simply do not accept their
responsibilities, and this is particularly apparent with
respect to violence. |
-->
-->
22. Le droit des femmes à la vie et à l’intégrité physique a été bradé sur l’autel des sujets "importants", qui préoccupent les gouvernements. Aucune autre violation ou injustice n’a été l’objet d’aussi peu d’attention et d’action. Et un silence assourdissant entoure les peurs et les douleurs des femmes et des petites filles violentées. Amnesty International documente quotidiennement ces violences, que ce soit en détention, durant les conflits armés, dans le cadre de trafic d’êtres humains ou au sein de la famille ou de la communauté. |
|
22. Governments have disregarded women’s right to life and
physical integrity in favour of more important" issues. No
other violation or injustice has received so little
attention, let alone action. A deafening silence surrounds
the fears and anguish of women and girl rape victims.
Amnesty International keeps a daily record of this violence,
in prison, during armed conflict, as part of the trade in
human beings, as well as within families and in the
community. |
-->
-->
23. Certains "progrès" ont bien été enregistrés au cours de ces cinq dernières années. Des codes pénaux ont été réformés pour réprimer plus durement les violences commises par les conjoints, le proxénétisme, le trafic des femmes. Des campagnes internationales et nationales de sensibilisation contre les mutilations génitales ont été lancées. Les textes et la jurisprudence en matière de droits humains ont évolué. Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et celui pour le Rwanda ont émis des actes d’accusation fondés sur la désignation du viol comme une torture et un élément constitutif d’une politique de génocide. Grâce au travail soutenu du Gender Caucus, le statut de la Cour pénale internationale, adopté à Rome en juillet 1998, a intégré les violences sexuelles et en premier lieu le viol dans la définition de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. |
|
23. Some progress has been made over the last five years. Legal
reforms have introduced more severe punishment for marital
violence, prostitution and trafficking of women. National
and international campaigns have raised awareness of genital
mutilation. The laws and jurisprudence on human rights have
evolved. The International Criminal Tribunal for former
Yugoslavia and its counterpart for Rwanda have made charges
based on the assumption that rape is a form of torture and a
constituent part of a policy of genocide. Thanks to the
continuing work of the Women’s Caucus on Gender Justice, the
statute of the International Criminal Court (ICC) adopted in
Rome in July 1998 included sexual violence, and above all
rape, in its definition of war crimes and crimes against
humanity. |
-->
-->
24. Mais ces changements, aussi nécessaires et positifs qu’ils soient, ne suffisent pas à répondre aux questions cruciales posées, à l’échelle planétaire, par l’utilisation de la violence sexuelle comme arme de guerre, par les brutalités quotidiennes dont sont victimes les femmes, et par l’impunité des coupables. L’absence de campagne de sensibilisation sur la violence conjugale est pour le moins troublante. Sur le Vieux Continent, la demande du Parlement européen de déclarer une "année européenne contre la violence envers les femmes" n’a pas abouti, tandis que la campagne de sensibilisation du public à la violence domestique manquait singulièrement d’impact. D’autre part, la communauté internationale refuse toujours de reconnaître la persécution "sexo-spécifique" comme une base légitime pour la détermination du statut de réfugiés, à de rares exceptions près. |
|
24. These changes, however necessary and positive, are not
enough to counter, at a global level, the use of sexual
violence as a weapon of war, the daily brutality inflicted
on women and the impunity of the guilty parties. It is, to
say the least, upsetting to see how little has been done to
raise awareness of marital violence. In Europe a move by the
European parliament to set up a European year against
violence against women proved unsuccessful. Similarly, a
campaign to promote public awareness of violence in the home
went almost unnoticed. Moreover, the international community
still refuses to recognise "gender-specific" persecution as
a legitimate basis for refugee status, apart from a very few
exceptions. |
-->
-->
25. La persistance de ces barbaries s’accompagne (ou s’explique) dans bien des cas d’une sorte de fatalisme ou de tolérance. Tout comme la division du travail entre les sexes est perçue comme "naturelle", les violences liées au sexe sont décrites ou perçues comme un état de fait immuable, réfractaire à tout changement en profondeur et qui n’engagent pas la responsabilité internationale des États. |
|
25. In many cases a form of fatalism or tolerance accompanies,
or explains, "the persistence of such barbarity". Just as
many see the division of labour between the sexes as
natural", so they describe or perceive gender-related
violence as a permanent state of affairs, resilient to any
fundamental change and outside the international
responsibility of states. |
-->
-->
26. Le message que lanceront les organisations présentes à New York est dès lors très clair : les violences faites aux femmes, que ce soit en détention, dans leur communauté ou dans leur famille constituent une violation de leurs droits humains et engagent les responsabilités des gouvernements. |
|
26. The organisations attending the Beijing + 5 meeting will
deliver a very clear message : violence inflicted on women,
in detention, in the community or in their homes, is a
violation of their human rights for which governments are
accountable. |
-->
-->
27. Les obligations internationales des États sont fondées, entre autres, sur la reconnaissance que ceux-ci peuvent être tenus pour responsables des abus qui se produisent dans la sphère privée. Le droit international lié aux droits humains a pris naissance au XIXe siècle avec des traités visant la traite d’esclaves et donc concernant des "particuliers", les États souscrivant à l’obligation d’interdire certains de leurs agissements —en l’occurrence le fait de posséder des esclaves et de participer à la traite d’esclaves. |
|
27. The international obligations of states are founded not
least on the recognition that they may be held responsible
for offences occurring in the private realm. International
law on human rights began to take shape in the 19th century
with treaties on slavery that necessarily concerned private
individuals. States accepted the obligation to forbid some
of their acts —in this case, owning slaves and taking part
in slave trading. |
-->
-->
28. Les États se doivent non seulement de respecter les droits des femmes, mais aussi de les protéger et d’assurer qu’elles puissent toutes bénéficier de leurs droits. Cela nécessite plusieurs types d’intervention, y compris, mais pas exclusivement, prévenir les abus et protéger et soutenir les victimes (soutien légal, moral, financier, médical dont elles ont besoin, et dans les cas les plus durs, une protection rapprochée), enquêter systématiquement sur les abus, poursuivre les auteurs présumés, juger et punir, et accorder aux victimes des compensations financières et un accès aux services et aux soins requis. Cela requiert l’implication de nombreuses institutions (police, justice, santé, éducation) et des médias, une réforme du code pénal et de formation "sexospécifique" pour les services de police —dans certaines régions françaises très urbanisées, les violences conjugales représentent plus de la moitié des appels d’urgence— ou ceux de la justice. |
|
28. Not only should states respect women’s rights but they
should also protect them and ensure that they enjoy their
full rights. This requires them to intervene in several
ways, including preventing abuses, and protecting and
supporting victims (providing the legal, moral, financial
and medical support they need and, in the worst cases,
personal protection). It also involves systematically
investigating abuses, pursuing suspects, bringing them to
trial and punishing them, allocating financial compensation
to the victims and providing the necessary services and
care. This requires the involvement of numerous bodies
(police, legal system, health service, education) and the
media. It means reforming criminal law and organising
gender-specific training courses for the courts and police
(in some French cities marital violence accounts for over
half of emergency calls). |
-->
-->
29. Si un seul point positif doit être tiré des discussions d’évaluation de la non-mise en oeuvre du Programme d’action de Pékin, ce sera de rappeler dans les termes les plus farouches que rien ne peut justifier la persistance des discriminations et des brutalités faites aux femmes, et de réaffirmer que l’abdication des responsabilités des États ne peut pas être tolérée. S’attaquer au système d’oppression, de discrimination et de persécution fondé sur le sexe coûte quelques sous. Mais cela demande avant tout une volonté, et celle-ci semble manquer bien plus que les budgets. |
|
29. If we only draw one positive conclusion from the review of
non-implementation of the Beijing action platform, it should
be a powerful reminder that nothing can justify the
persistence of discrimination and violence against women,
and that it is intolerable that states should continue to
abdicate their responsibilities. It may cost a little money
to attack a system of gender-based oppression,
discrimination and persecution, but above all it demands
determination, and that seems to be in much shorter supply
than funds. |
-->
-->
30. Après plusieurs décennies de recherche dans ce domaine, les gouvernements ne peuvent se contenter des justifications qu’ils avancent. Les femmes sont absentes des enceintes parlementaires, des réunions interministérielles, des pourparlers de paix, des tables rondes de reconstruction ? Ah, c’est parce que leurs occupations familiales et domestiques les ont retenues... Mais où les gouvernants ont-ils donc passé ces cinquante dernières années pour tout à coup découvrir que les fonctions reproductives des femmes se doivent d’être prises en compte ? Ou encore pour s’interroger sur les causes "profondes" des violences faites aux femmes ? Va-t-on passer le XXIe siècle à ressasser ce que nos "ancêtres" du XXe siècle (et bien d’autres avant) avaient déjà démontré ? |
|
30. After several decades of research in this field, governments
can no longer be content with the explanations they offer.
Why are women absent from parliaments, ministerial meetings,
peace talks and round tables on reconstruction ? Because
their family and domestic duties retained them elsewhere.
But where have those in power spent the last 50 years to
realise all of a sudden that allowance must be made for the
reproductive functions of women ? Why is it only now that
they start wondering about the "underlying" causes of
violence against women ? Are we to spend the 21st century
mulling over what the 20th century (and before) has already
amply demonstrated ? |
-->
|