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1. DES FRÈRES MUSULMANS DIVISÉS |
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1. MUSLIM BROTHERHOOD DIVIDED |
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2. La rencontre entre les présidents William Clinton et Hafez El-Assad, le 26 mars à Genève, confirme la complexité des négociations israélo-arabes. L’objectif de la paix semble incertain, au moment où s’esquisse au Proche-Orient une périlleuse transition de génération : de nouveaux dirigeants arrivent ou sont sur le point d’arriver au pouvoir en Jordanie, en Arabie Saoudite, en Syrie, en Palestine, etc. L’islam politique qui, il y a quelques années, semblait sur le point de l’emporter marque le pas. Peut-il d’ailleurs offrir des solutions aux problèmes complexes des sociétés ? Des cadres jeunes, sensibles aux discours sur la modernité, tentent de faire prévaloir leurs vues au sein de la plus ancienne et de la plus puissante des organisations islamistes, les Frères musulmans. |
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2. The Clinton-Assad meeting in Geneva on 26 March confirmed the complexity of the Arab-Israeli negotiations. Peace looks uncertain, just as the Middle East faces a perilous transition from one generation to the next : new leaders have taken over in Jordan and Saudi Arabia ; next it will be the turn of Syria and Palestine. Once unstoppable, political Islam is suddenly marking time as people question whether it has the answers to the complex problems of today’s societies. Meanwhile rising through its ranks, its younger voices are demanding a more modern outlook of the oldest and most powerful of the Islamist organisations, the Muslim Brotherhood. |
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3. En Égypte, le 21 janvier 2000, dix-neuf étudiants partis en week-end à Alexandrie se retrouvaient en prison, et une instruction contre eux était ouverte. Les procureurs de la sécurité d’État les accusaient d’être membres de l’association illégale des Frères musulmans (Al- Ikhwan Al-Mouslimin). Quatre jours plus tôt, vingt membres des syndicats professionnels (médecins, avocats, journalistes, etc.) avaient été traduits devant une cour militaire, qui tente de prouver qu’ils appartiennent à la confrérie. En tout, près de 200 militants de ce mouvement - presque tous des syndicalistes - attendent leur jugement devant des cours militaires. |
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3. In Egypt, on 21 January 19 students on a weekend trip to Alexandria were thrown into jail. State security prosecutors claimed they were members of the Muslim Brotherhood (al-Ikhwan al- Muslimin). Four days earlier 20 members of professional syndicates (lawyers, doctors, journalists etc) had been hauled before a military court near Cairo which is attempting to prove that they are members of the Brotherhood. In all, almost 200 Brotherhood activists —nearly all trade unionists— await trial before the military courts. |
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4. En Jordanie, le 21 novembre 1999, le gouvernement, en violation de l’article 9 de la Constitution, déportait au Qatar quatre dirigeants du mouvement islamiste palestinien Hamas — créé par les Frères musulmans—, tous citoyens jordaniens d’origine palestinienne. Ils étaient "accusés d’ activités illégales" et d’ appartenance à une "organisation illégale", c’est-à-dire au Hamas, pourtant toléré à Amman depuis environ une décennie. Le 30 août 1999 déjà, les bureaux du Hamas en Jordanie avaient été fermés et douze de ses membres arrêtés. |
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4. In Jordan, on 21 November the government —in contravention of Article 9 of the Jordanian constitution— deported to Qatar four leaders of the Palestinian resistance movement Hamas, itself an offshoot of the Palestinian Muslim Brotherhood. The men were all Jordanian citizens of Palestinian origin. They were accused of "affiliation with an illegal organisation" —an organisation that the government had allowed to work openly in Amman for nearly a decade. Already on 30 August the Hamas offices had been closed down and 12 of its members arrested. |
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5. Cette répression s’inscrit dans la stratégie commune menée par Israèl (on compte 900 islamistes parmi les quelque 1 400 prisonniers politiques palestiniens encore détenus par Israèl) et l’Autorité palestinienne (qui en a appréhendé environ 300). Cette offensive a eu des conséquences sur les Frères musulmans jordaniens puisque le roi Abdallah II a mis un terme à la politique de coopération avec cette organisation menée par son père, le roi Hussein. |
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5. This crackdown falls in the context of dual pressure from both Israel (900 Islamists out of some 1,400 Palestinian prisoners still held in Israeli jails) and the Palestinian Authority (PA) which has near to 300 Islamists under lock and key. The Hamas furore has also put intense pressure on the Jordanian Brotherhood, as King Abdullah II has put an end to his late father’s policy of inclusion. |
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6. Est-ce qu’un parallèle peut être dressé entre ces diverses situations ? La répression contre le Hamas est le résultat direct des négociations de paix : le nouveau roi accédait aux demandes des États-Unis et d’Israèl, ayant à l’esprit le traité de paix que la Jordanie avait signé avec l’État juif en 1994 et ne partageant pas l’attachement de son père pour la Cisjordanie. En revanche, en Egypte, le président Hosni Moubarak dirige les attaques contre la confrérie sans qu’aucune puissance occidentale fasse pression sur lui. |
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6. Can a parallel be drawn between these situations ? The Hamas crackdown is a direct outcome of the peace process : the new king was acting in response to United States’ and Israeli pressure, mindful of Jordan’s 1994 peace treaty with Israel and not sharing his father’s attachment to the West Bank. Meanwhile in Egypt, President Husni Mubarak, staunch ally of the West, is under no pressure to moderate his attacks on the Brotherhood. |
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7. Pourtant, la crainte de ces régimes est la même. En Jordanie, en Egypte et sur la scène palestinienne, les islamistes représentent l’unique force réelle d’opposition et, depuis l’effondrement du nationalisme arabe et du communisme, la seule porteuse d’un message idéologique. Dans ces trois pays, "la religion est partie intégrante de l’édifice", selon les termes d’un éditorialiste islamiste égyptien très respecté, Fahmi Howeidi. Ils sont donc particulièrement sensibles au raz-de-marée de l’islam politique qui a enveloppé la région depuis la fin des années 70. Les Frères musulmans y sont le point de référence pour tous les islamistes. L’organisation inspire confiance, elle est respectée et compte de nombreux adhérents urbains membres des professions libérales. Autorisée ou non à participer à la vie politique, elle s’active dans tous les secteurs de la société : travail social, éducation, bienfaisance, etc. Et plus les Frères subissent la répression, plus leur mouvement devient populaire. |
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7. Yet these various regimes share the same fear. In Egypt, Jordan, Palestine, as in other places, the Islamists are the only real opposition, sole bearers of an ideological torch since the collapse of Arab nationalism and communism. In these countries "religion comes built in", as Egyptian Islamist columnist Fahmi Howeidi puts it. They were therefore particularly open to the tidal wave of Islam that has enveloped the region since the late 1970s. And it is the Muslim Brotherhood that provides a focal point for all these Islamists. It is trusted, respected, safe, peopled with energetic, urban professionals. It reaches out, through politics where it can, but always through its social- religious activities, to all sectors of society : welfare, education, social care, the same pattern of activity can be seen wherever the Brothers are present. And the more the regimes crack down, the more the movement gains in popular support. |
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8. Comment devient-on Frère musulman ? "J’ai rejoint les Frères à quinze ans, alors que j’étais encore à l’école ici, à Amman, raconte Yassir Abou Hilela, un journaliste connu de trente ans. "C’est l’âge auquel la plupart des gens adhèrent, et la mosquée est un élément essentiel dans cette adhésion. Pour devenir un ’Frère musulman actif’, il faut être un homme âgé de plus de vingt ans et avoir adhéré depuis plus de trois ans. On prête alors serment et on verse entre 3 % et 5 % de son salaire mensuel." En 1995, il a quitté la confrérie : "Je devais choisir entre écrire de manière objective et rester membre. C’est difficile d’adhérer aux Frères et c’est encore plus difficile de les quitter." |
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8. Who becomes a Muslim Brother ? "I joined the Brotherhood when I was 15, still at school here in Amman", says Yasir Abu Hilela. He is 30, a well-regarded journalist. "It’s the age most people join. The basic element is the mosque. I came from a religious family. To become a ’working Muslim Brother’, you have to be over 20 and have been a member for at least three years. Then you take an oath and pay up 3%-5% of your monthly income. There aren’t any women". But in 1995 he left the movement. "I had to choose between writing objectively and staying a member. It’s complicated joining the Brotherhood and it’s even harder to leave." |
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9. La société des Frères musulmans a été fondée en 1928 à Ismaïliyya, en Egypte, par Hassan Al-Banna. Elle s’est rapidement développée pour devenir un vaste mouvement populaire regroupant des centaines de milliers de membres, et visait à ramener les musulmans sur le chemin véritable de l’islam. Elle s’est opposée vigoureusement au colonialisme britannique et a défendu la cause palestinienne, participant même aux combats israélo-arabes de 1948-1949, puis a essaimé dans tout le monde arabe. |
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9. The Society of the Muslim Brothers founded in Ismailia by Hassan al-Banna in 1928 rapidly grew to become a vast popular movement with hundreds of thousands of members across the Arab world. It aimed to return Muslims to the true path of Islam. It vigorously opposed British colonialism and defended the cause of Palestine, joined in the Arab-Israeli war of 1948- 49 and formed branches in the neighbouring Arab countries. |
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10. Ses buts restent inchangés. Les Frères insistent moins sur leur objectif initial d’une société islamique unie. Ils revendiquent d’abord et avant tout Jérusalem mais aussi la libération totale de la Palestine. Le Djihad est réservé aux mobilisations pour l’islam. La violence ne doit pas être utilisée contre les régimes arabes, un message que la rude expérience des Frères sous Gamal Abdel Nasser a conforté. Leur mot-clé : réforme, et non révolution. C’est d’ailleurs pour protester contre ces orientations trop pacifiques que, dans les années 70, certains des jeunes adhérents quittèrent l’organisation pour fonder des mouvements radicaux comme le Djihad islamique en Égypte ou en Palestine. |
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10. The Brothers insist less these days on their original goal of a single Islamic polity. Jerusalem, however, remains the key issue, followed by the liberation of Palestine. Jihad is reserved for Muslim causes. There is to be no violence against the Arab regimes —a message reinforced by the Brothers’ experience in Nasser’s Egypt. The watchword is reform, not revolution. As a result, in the 1970s some young Brotherhood members broke away from a parent organisation that they saw as too quiescent to form radical movements such as the Jihad movements in Egypt and Palestine. |
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11. Ce message réformiste est sans cesse répété, quelles que soient les circonstances. En Egypte, les Frères restent interdits —mais tolérés, au bon gré du gouvernement. Ils ont pris part aux élections législatives de 1984, sous le drapeau du parti Wafd, puis à nouveau en 1987, où ils se sont alliés au Parti du travail et aux libéraux. Ils devinrent ainsi le principal groupe parlementaire de l’opposition, ce qui amena le président Moubarak à regretter ses "ouvertures" : en 1993, il suspendait les syndicats professionnels (avocats, journalistes, médecins, etc.) dans lesquels les Frères avaient remporté d’importantes victoires et, à la veille du scrutin de 1995, traduisait soixante-deux des principaux responsables des Frères devant des cours militaires, les empêchant concrètement ainsi de participer à la campagne électorale. |
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11. The message is endlessly repeated, however different the circumstances. In Egypt the Brotherhood is banned —though intermittently tolerated at the whim of the government. It took part in general elections in 1984 under the cover of the Wafd Party, and then again in 1987 where, allied to the Labour Party and the Liberals, it won the largest number of opposition seats. This made the Mubarak government regret the experiment. In 1993 it suspended the professional syndicates, where the Brothers had swept to success. And before the 1995 elections it arrested up to 200 of the top Brotherhood leadership, thus ruling out any successful electoral campaign.. |
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12. " La lutte n’oppose pas le gouvernement et les islamistes, explique Fahmi Howeidi, mais le gouvernement et la démocratie. Prenez le cas du Wasat. Aucun nouveau parti qui poserait le moindre défi au pouvoir n’a été autorisé durant les dix-neuf années d’état d’urgence. Le gouvernement envoie ainsi un message dangereux : il n’y pas d’espoir de changement pacifique." Il fait ainsi allusion à M. Aboul Ela Madi, ingénieur, la quarantaine, qui a tenté à deux reprises depuis 1996 de créer un nouveau parti, Al Wasat (le Centre). "Notre projet, précise M. Madi, est islamique. Mais là où les Frères musulmans se définissent comme un mouvement religieux et se bornent à s’adresser à leurs propres adhérents, nous voulions devenir un mouvement culturel, ouvert à tous. Contrairement aux Frères, nous voulons transformer les musulmans, non en bons musulmans, mais en bons citoyens." Et il rappelle qu’il a déposé sa demande avec le Dr Rafiq Habib, un psychologue copte. "L’islam et le christianisme sont tous les deux profondément ancrés dans notre société. Nous voulons une nation unie, séparée de l’État." Une troisième tentative est en cours, bien que M. Madi sache que sa demande sera repoussée, comme celle de créer un journal. Prévoyant un refus, il a aussi déposé une sollicitation pour lancer un "forum social". |
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12. "The fight is not between the government and the Islamists. It is between the government and democracy", says Howeidi. "Take the case of Al Wasat. No new political party that could constitute any sort of threat has been allowed under our 19- year state of emergency. The government’s dangerous message is that there’s no hope of peaceful change." He is referring to two unsuccessful attempts, starting in 1996, by Abul Ela Madi, a 42 year-old engineer, to register a new political party, Al Wasat (Centre party). "Our project", says Madi, "is Islamic. But whereas the Brothers see their movement as a religious movement aimed just at its own members, we want to a cultural movement, open to all. Unlike the Brothers, we don’t want to turn Muslims into good Muslims but into good citizens, rather than good Muslims". To prove the point Madi brought in a Christian as his running mate, Rafiq Habib. Habib, a Coptic psychologist, adds : "Islam and Christianity are both deeply rooted in our society. We want to see a united nation separate from the state." A third attempt is underway, though Madi knows the application, along with that for a newspaper, is not going to succeed. More realistically, he has now also applied for permission to start a social forum. |
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13. Les tentatives de M. Madi de créer une organisation différente des Frères ont provoqué une crise sans précédent dans le mouvement. Son initiative de créer un nouveau parti s’appuyait, selon ses dires, sur "les lacunes des Frères, leur désir arrogant de contrôler leurs membres" et leur incapacité de faire une place à la nouvelle génération. En quatre vagues successives, échelonnées entre 1996 et 2000, plus de deux cents militants ont démissionné. |
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13. Madi’s attempts to create a separate party from the Brotherhood provoked an unprecedented crisis within the movement. He says that he acted because of "lacunae within the Brotherhood, its overbearing desire for control over all its members" and, even more damning, "the double standards it uses to favour its own preferred people". Over 200 leading Brotherhood activists resigned in the storm, in four successive waves from 1996 to 1999. |
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14. Madi assume l’entière responsabilité de son initiative : "La raison pour laquelle personne ne connaît la vérité, c’est que j’ai accepté de ne pas rendre publiques mes divergences avec les Frères." Mais, dans un climat de procès et d’accusations, diverses sources expliquent qu’il a été poussé à agir par la direction des Frères musulmans, avant d’être désavoué par elle. Le Dr Ma’moun Al-Hodeibi, le porte-parole des Frères, rejette l’accusation : "Si nous avions voulu demander la création d’un parti politique, nous l’aurions fait ouvertement. Nous ne l’avons pas fait parce que nous savions que notre demande serait rejetée." La vérité est difficile à percer derrière le manteau de secret qui enveloppe toute divergence à l’intérieur des Frères. |
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14. Madi takes responsibility for what he affirms was his own initiative : "The reason no-one knows the truth of the affair is because I agreed not to reveal my differences with the Brotherhood". But, with lawsuits flying in all directions, Madi loyalists have claimed that he was set up by the Brotherhood to apply for a political party on its behalf, but had moved ahead too fast. Dr Ma’mun al-Hodeibi, spokesman for the Brotherhood, rejects this : "If we wanted to ask for a political party we’d do it openly. If we haven’t, it’s because we know it would be turned down." The truth of the matter remains obscured behind the blanket of secrecy that envelops any hint of trouble in the Brotherhood. |
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15. Le 22 janvier 2000, un des membres les plus éminents de la confrérie, M. Issam Al-Aryan, quarante-six ans, médecin et ancien député, sortait de prison, après avoir purgé une peine de cinq ans pour appartenance aux Frères musulmans. Une semaine plus tard, plein d’énergie, il avait déjà repris son travail. "Nous appelons au dialogue avec n’importe quel responsable, de manière formelle ou informelle. Nous savons combien le régime est bureaucratique, aussi nous demandons simplement un geste, par exemple l’abandon des poursuites contre nos militants devant les cours militaires." |
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15. One of the Brotherhood’s most prominent members, Issam al-Aryan, a 46 year-old doctor and former deputy, remains determined to effect gradual change from within the movement : We are calling for a dialogue with anyone responsible, whether formally or informally. "We know how bureaucratic the regime is, so we’re just asking for a small start : for instance cancelling the charges to be heard before the military courts." On 22 January Aryan had just completed a five-year prison sentence for membership of the Brotherhood. |
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16. En l’absence de vie politique, les médias et les syndicats professionnels ont pris le relais. M. Cherif Aboul Majd, la cinquantaine, ingénieur de son état, aurait bien rejoint le parti de M. Madi, mais, contrairement à d’autres, il n’a pas quitté la confrérie. Il pense qu’il faut trouver de "nouveaux moyens pour s’adresser à la société, et commencer par un changement progressif". |
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16. In the absence of political life, the media and the professional unions have taken over the running. Sherif Abul Majd, 50, an engineer, would have joined Madi’s party if it had been approved, but he did not leave the Brotherhood. He, too talks of "the need to penetrate, to start with gradual change". |
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17. Helmi Al-Gazar, quarante-quatre ans, médecin lui aussi, a été candidat du Parti du travail. Il n’est pas Frère musulman : "Je ne suis pas prêt à aller en prison, il y a trop de choses à faire." Mais il pense que l’organisation évolue progressivement : "Ils ont changé en ce qui concerne les femmes durant les dix dernières années, leur permettant l’adhésion aux syndicats et acceptant qu’elles parlent en public. Ils s’adressent même aux chrétiens et les appellent à pratiquer leur religion. Ce message est plus acceptable par les jeunes." |
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17. Helmi al-Gazar, 44, another doctor, has run for office under the Labour Party. He is not a Muslim Brother."I’m not prepared to go to prison, there’s too much to do", he says. But he thinks the Brotherhood is gradually changing : "They have got better about women in the last 10 years, making them members of unions and getting them to speak at public meetings. They say their message is not just about politics —they’re even telling the Christians to be observant. That’s what appeals to young people." |
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18. Par comparaison avec l’organisation égyptienne, les Frères musulmans jordaniens vivent une situation confortable. La politique de collaboration menée par le roi Hussein depuis les années 50 a encouragé la confrérie à la modération : elle s’est cantonnée dans une opposition loyale. En 1989, elle a obtenu vingt- deux des quatre-vingts sièges de la Chambre basse du Parlement. |
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18. Jordan’s Brotherhood is fortunate in contrast. King Hussein’s policy of inclusion was rewarded by having a moderate Brotherhood as loyal opposition. In 1989 it won 22 seats out of 80 in the lower house of parliament in the legislative elections. |
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19. En 1991, elle a créé son propre parti politique, le Front d’action islamique (FAI). En 1993, malgré un changement temporaire " de la loi électorale qui le visait, le Front a obtenu dix-sept sièges. Mais, en 1997, le "temporaire" perdurant, le FAI décida le boycottage du scrutin. Le professeur Ishaq Al-Farhan, secrétaire général du Front entre 1992 et 1996, reconnaît que ce fut une erreur majeure. Son successeur, le Dr Abdel Latif Arabiyyat, partage cet avis : "Le parti s’est prononcé contre la participation par une voix de majorité (86 contre 85). Nous sommes divisés, mais je pense que nous devons participer au Parlement - et au gouvernement. Pourtant, j’ai été le premier à appliquer la consigne de boycottage." |
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19. In 1991 it formed its own political party, the Islamic Action Front (IAF). In 1993 —despite a "temporary" change to the electoral law weighted against the Islamists— the IAF still ran for office and won 17 seats. But in 1997, with the law still in place, it decided - disastrously - to boycott the elections. Professor Ishaq al-Farhan, the IAF’s first secretary-general (1992-1996) admits it was a crucial mistake. So does his successor, Dr Abdel Latif Arabiyyat, (1996-2000) : "The party voted against by just one vote (86 to 85). Yes, there are divisions. I personally believe we must be in parliament - and in government —and yet I was the first to have to implement the boycott". |
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20. Les durs refusent de voir leur mouvement devenir une partie de l’appareil gouvernemental. Le Dr Farhan était ministre de l’éducation, des waqfs et des affaires islamiques entre 1970 et 1974 : "Joindre le gouvernement fut pour moi une décision personnelle. En fait, je n’avais pas l’accord des Frères et je ne les ai pas consultés. Je leur donnais mon point de vue, je n’en demandais pas." Le Dr Farhan voudrait une plus grande clarté dans les relations entre les Frères et le Front d’action islamique, dont la moitié des membres reconnaissent appartenir à la confrérie. |
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20. Brotherhood hardliners have been reluctant to see the movement become part of the government apparatus. Dr Farhan was minister of education, Awqaf and Islamic affairs from 1970-74. "It was a personal decision", he says. "I did not have the agreement of the Brotherhood ; in fact, I didn’t consult them. I give them advice, I don’t take it." Farhan wants to see greater "crystallisation" of the relations between the IAF (half of whose members admit to being members of the ikhwan) and the Brotherhood. |
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21. Ce n’est pas le seul sujet de division. L’expulsion de Jordanie de quatre dirigeants du Hamas a aggravé le clivage entre une majorité modérée et une minorité radicale, qui reflète les divisions au sein de la société jordanienne elle-même. Parmi les Frères, la majorité modérée d’ascendance transjordanienne souhaite distendre les liens avec le Hamas, alors que la minorité, d’origine palestinienne, le refuse. Aussi bien les durs que le Hamas —extension palestinienne des Frères musulmans— ont éreinté la direction modérée pour ses tentatives de médiation, alors qu’ils préconisaient un soutien déterminé au Hamas. M. Ibrahim Ghosheh, le porte-parole du Hamas et l’un des quatre déportés, s’est livré à une attaque sans précédent des Frères musulmans jordaniens, les accusant d’avoir "abandonné leur place dans la libération de la Palestine". |
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21. This is not the only issue on which the Brotherhood is divided. The dramatic expulsion of the Hamas leaders highlighted a cleavage between the Brotherhood’s moderate majority and its hardline minority that mirrors that of Jordanian society itself . Certainly within the Brotherhood, the moderate (Transjordian) majority would like to loosen its ties with Hamas, whereas its hardline minority (of Palestinian descent) resolutely opposes such a move. Both the hardliners and Hamas —which is a Palestinian extension of the Brotherhood— have lambasted the moderate leadership of the Brotherhood for trying to mediate after the crackdown in August, instead of standing firmly on the side of Hamas. Ibrahim Ghosheh, Hamas spokesman and one of the deportees, delivered an unprecedented attack on the Brotherhood in the media from Qatar for "abandoning its role of liberating Palestine". |
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22. SELON des sources islamistes, une troisième pomme de discorde divise les Frères : le contrôle des ressources. Les durs contrôlent l’Association du centre islamique (Jama’iyya Al-merkez Al-islami), qui gère le splendide hôpital islamique d’Amman, où sont situés les bureaux de la confrérie. Ils tiennent en otage, dit-on, la majorité modérée et tentent de détacher la Jama’iyya des Frères, au nom d’une ligne islamique plus pure — mais en fait pour s’opposer à la vague émergente de dirigeants modérés qui se sont affirmés dans le combat politique des années 90. |
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22. Islamist sources have indicated a third bone of contention too sensitive to be discussed - a battle over turf. The hardliners are in control of the Association of the Islamic Centre (Jama’iyya al Merkez al-Islami) which controls its main piece of real estate, the splendid Islamic hospital in Amman (in which the Brotherhood’s own offices are housed). They are, it is claimed, holding the moderate majority to ransom by trying to detach the Jama’iyya from the Brotherhood, in the name of a "purer" Islamic line —but in reality to counter the wave of moderate leaders who emerged in the 1990s as the Brotherhood took to politics. |
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23. En Palestine, les Frères musulmans existent-ils encore, ou le Hamas les a-t-il remplacés ? En Cisjordanie, où l’influence jordanienne reste forte , certains continuent à faire référence à leur affiliation aux Frères - le fait que le cheikh Hamid Bitawi ou le cheikh Saïd Bilal occupent même des postes qui dépendent de l’Autorité palestinienne rend le sujet encore plus sensible. Pourtant, à en croire les responsables du Hamas, leur mouvement de résistance a supplanté celui des Frères. Une interprétation contestée par le chef des Frères jordaniens, le Dr Abdel Mejid Thouneibat : "Le Hamas est une partie des Frères musulmans palestiniens, qui ne se sont pas dissous. Sa branche militaire, en revanche, a quitté les Frères." Ce désaccord sur le sigle cache en réalité des différences politiques, des une ambitions, mais aussi des éléments de désagrégation. |
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23. Does the Brotherhood still exist in Palestine or has Hamas replaced it ? If at all, it is present in the West Bank, which is still drawn through ties of kinship and influence to Jordan. Some here still continue to proclaim their affiliation to the Brotherhood - Sheikhs Hamid Beitawi and Said Bilal even hold positions that fall under the PA. Hamas officials, however, claim that the resistance movement has supplanted the Brotherhood in Palestine. The head of the Jordanian Brotherhood, Dr Abdel Mejid Thuneibat, disagrees : "Hamas is still part of the Palestinian Muslim Brotherhood, which has not been cancelled. Its military branch has, however, left the Brotherhood." Disagreement over labels mask political sensitivities and ambitions, or sometimes just dislocation. |
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24. L’Intifada, qui a éclaté en Palestine en décembre 1987, a forcé les Frères à se joindre à l’insurrection populaire contre l’occupation israélienne. Ils décidèrent alors de créer le Hamas. De la réforme sociale et religieuse qu’ils préconisaient (tout en maintenant des relations de coexistence avec les autorités israéliennes), les Frères passèrent, de manière abrupte, à la résistance nationaliste armée. |
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24. The situation in Palestine makes this unsurprising. The intifada that broke out in December 1987 forced the Brotherhood to join in the popular uprising against Israeli occupation. It did so by creating Hamas. From social-religious reform (with a cosy relationship with the Israeli authorities) it turned dramatically to radical, nationalist armed resistance. |
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25. Son immense popularité, alliée à ses meurtrières opérations . suicide, fit du Hamas un acteur essentiel du drame palestinien. Mais l’installation de M. Yasser Arafat à Gaza et la création de l’Autorité palestinienne dans les zones autonomes en 1994 plaça Les l’organisation devant un dilemme insoluble. Quelle que soit sa position à l’égard des accords d’Oslo, le Hamas pouvait-il renoncer à demander une part d’influence dans l’entité palestinienne en construction ? |
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25. Its huge popularity among the Palestinians combined with its lethal suicide bombings during the 1990s made it a key player in the unfolding Palestinian drama. However, the arrival of Yasser Arafat and creation of the PA in the newly autonomous Palestinian areas in 1994 posed an agonising dilemma. Whatever its opposition to the Oslo accords, could it fail to demand its share of influence in the emerging Palestinian entity ? |
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26. (...). Le mouvement veut-il être un acteur sur la scène politique locale et s’inscrire dans le jeu politique, ce qui implique qu’il renonce à toute violence armée et accepte un modus vivendi avec l’Autorité palestinienne ? Ou s’insérera-t-il dans une stratégie régionale douteuse que menacerait un accord entre Israèl et la Syrie ? |
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26. The expulsion of the Hamas leaders from Amman has pointed the spotlight at this dilemma. Is the movement to play a significant local role within the framework of Palestinian national politics, in which it will have to desist from all further violence and reach a modus vivendi with the PA ? Or is it to pursue a dubious regional role through violence, that would be threatened by a settlement between Israel and Syria ? |
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27. Avec le démantèlement de son bureau politique à Amman, les principaux défenseurs de cette ligne radicale ont été réduits au silence, au moment même où l’aile militaire du Hamas était sérieusement affaiblie. Cette mise à l’écart laisse le champ libre à ceux qui manoeuvrent pour obtenir un rôle national pour le Hamas — notamment à la direction de Gaza, berceau du mouvement - et pour son dirigeant fondateur et guide spirituel, le très pragmatique cheikh Ahmad Yassine. Alors que les autres branches des Frères musulmans ne peuvent accepter, quelles que soient les circonstances, une solution fondée sur la coexistence de deux États en Palestine, le Hamas, rendu célèbre par sa lutte violente, a maintenant proposé à Israèl, comme substitut à la guerre permanente, une trêve ( houdna ) conditionnelle et renouvelable, fondée sur un retour aux frontières de juin 1967. Paradoxe ou politique de survie ? |
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27. With its political bureau in Amman disbanded, the chief advocates of a regional role have been silenced for the time being - this at a time when Hamas’ military wing has been substantially weakened. That leaves greater room for manoeuvre to those who favour a national role — namely Hamas’ leadership in its Gaza birthplace, led by its founder and spiritual guide, the highly pragmatic Sheikh Ahmad Yassin. While the Brotherhood organisations in other countries cannot accept a two-state solution under any conditions, the offshoot that became a byword for violent jihad has offered Israel a conditional, renewable truce (hudna) based on the 1967 borders. Paradox ? Or the politics of survival ? |
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28. Car une telle décision peut se révéler périlleuse : l’influence du Hamas parmi les jeunes —et, plus généralement, parmi tous ceux qui rejettent les concessions qu’implique un accord avec Israèl - repose sur la résistance du mouvement au "bradage de la Palestine". Plus préoccupant, quelle confiance peut faire celui-ci à M. Arafat ? Peut-on signer un accord avec lui en l’absence du moindre signe de démocratisation en Palestine ? |
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28. A decision on its future role is fraught : Hamas’ appeal to the young —but also to all who oppose the severe limitations of any likely settlement with Israel— rests on its resistance to the "sell-out of Palestine". More worrying still, what trust could the movement pin on any deal with Arafat ? Can real agreement be reached with him in the absence of any glimmer of democratisation in Palestine ? |
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29. Pourtant, à Gaza, des voix s’élèvent en faveur du changement. Le Hamas a créé sa propre formation politique, le Parti du salut islamique (PSI, Hizb Al-khallas Al-islami), qui, jusqu’à cette année, se pliait aux instructions du Hamas. Mais, le 2 février 2000, faisant fi des conseils du Hamas, il envoyait quatre membres à une réunion du Conseil central palestinien —celui-ci est un des organes dirigeants de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), intermédiaire entre le Conseil national et le comité exécutif. Cette initiative a précipité la crise, puisque la présence officielle à la réunion entérinait la participation officielle du PSI à l’OLP. |
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29. Yet here in Gaza, there are new voices that call for change. Hamas has its own political party, the Islamic Salvation Party (ISP, Hizb al-Khallas al Islami), which has until this year obediently toed the Hamas line. But on 2 February the party disregarded "advice" from Hamas and sent four delegates to a meeting of the Palestine Central Council (PCC), one of the leading bodies of the Palestine Liberation Organisation. The move has precipitated a crisis, since their presence as official ISP members signalled their membership in the PLO. |
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30. Ghazi Hamed, un des représentants de la nouvelle génération, la quarantaine, rédacteur en chef de Al Risala, le journal du PSI, explique : "Le Hamas croit encore à la lutte armée. Il n’est pas prêt à travailler dans le cadre de l’Autorité, alors que nous le sommes. Nous avons désormais des problèmes sur deux fronts : à l’intérieur du parti, qui a été divisé par notre initiative de participer à la réunion du conseil central, et avec le Hamas. La situation palestinienne est très complexe, et nous devons tracer une ligne entre nos principes et la réalité. Nous devons devenir une partie de l’OLP." Et M. Hamad de rappeler l’exemple du Front d’action islamique en Jordanie ou la tentative de créer un nouveau parti, Al Wasat, en Égypte. "Nous devons pouvoir influencer les gens, pas seulement les sympathisants du Hamas. Et cela signifie que nous devons travailler indépendamment de ce dernier." |
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30. Ghazi Hamed, 40, part of the new young Gaza leadership and editor of the ISP’s newspaper, Al Risala, explains : "Hamas still believes in armed struggle and isn’t ready to work under the umbrella of the PA. We are. We’ve now got trouble on two fronts : both within the party, which was torn down the middle by the PCC decision, and with Hamas itself. The Palestinian situation is very complex and we’ve got to differentiate between principles and realities : we have to become part of the PLO." Hamed cites as his examples of the way forward the IAF in Jordan and the attempts to form the new Wasat party in Egypt : "We need to reach out to people, not just to Hamas supporters, and that means acting independently from Hamas." |
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31. Trois pays, trois situations différentes. Pourtant au Caire, à Amman et à Gaza, la génération des quadragénaires, plus pragmatique, demande des réformes aux dirigeants des Frères musulmans. Elle se réclame de la modernité et la démocratie, et souhaite atteindre une audience plus vaste, qui dépasse celle, traditionnelle, des Frères. |
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31. Three places : three different situations. Yet in Cairo, Amman and Gaza, a highly pragmatic generation now in its 40s is demanding reform of its own leadership. It wants modernity, democracy and the chance for its men —and women— to reach out to a wider public than that of the Brotherhood.. |
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