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Vers une paix armée au Proche-Orient


Armed peace in the Middle-East

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1.

RENFORCEMENT DU PARTENARIAT STRATÉGIQUE ENTRE LES ÉTATS-UNIS ET ISRAÈL

1.

STATES OF CONCERN

2.

Une guerre des nerfs oppose le gouvernement israélien et l’Autorité palestinienne, à la veille d’un sommet prévu, mais non confirmé, entre MM. William Clinton, Yasser Arafat et Ehoud Barak. Les Palestiniens ont même accusé Israèl de préparer une "solution militaire", alors que la presse de Tel-Aviv publiait les grandes lignes d’un accord soumis aux deux parties par Washington. En Syrie, après une succession bien menée, le nouveau président devra décider de l’avenir des négociations avec l’État juif. Pourtant, pour les stratèges américains, le Proche-Orient connaîtra, en cas d’accords, au mieux une paix armée.

2.

The Israeli government and the Palestinian Authority were engaged in a war of nerves before the Washington summit with President Clinton. The Palestinians even accused Israel of preparing a "military solution" while the Tel Aviv press was publishing the brush strokes of an agreement proposed by the US. Meanwhile in Syria, the new president needs to make a decision about talks with Israel. Yet, even if accords are reached, US strategists do not foresee more than an armed peace for the region.

3.

Peu après l’arrivée de M. Yasser Arafat à Gaza, le conseiller à la sécurité nationale du président William Clinton, M. Tony Lake, exposait, en mai 1994, devant le Washington Institute for Near East Policy, un think tank pro-israélien, les liens que les responsables politiques américains avaient établis entre la guerre du Golfe et les accords d’Oslo. Il expliquait que la paix entre Israèl et ses voisins arabes était destinée à demeurer une paix armée afin d’isoler les "États voyous" (rogue states) irakien et iranien. Le président Saddam Hussein devait continuer à subir l’ostracisme des régimes arabes. L’Iran devait être privé de sa relation stratégique avec la Syrie. Il fallait également mettre sur pied une coalition israélo-arabe contre l’extrémisme islamiste, qu’il définissait comme une "menace pour nos intérêts nationaux". Cette stratégie représentait, selon lui, un "paradigme pour l’entrée de notre nation dans l’ère de l’après-guerre froide". Dans l’affrontement entre "violence ou paix, régression ou liberté, isolement ou dialogue", les États-Unis engageraient leur pouvoir et leur prestige.

3.

Soon after Yasser Arafat arrived in Gaza in mid-1994, President Bill Clinton’s national security advisor, Tony Lake, clarified the connection United States policy makers had drawn between the Gulf war and Oslo. Lake explained that the peace between Israel and its Arab neighbours was meant to be an aggressive peace, aimed at isolating the "rogue states" of Iraq and Iran. Saddam Hussein would continue to suffer ostracism by Arab regimes. And Tehran would be deprived of its strategic relationship with Syria. Lake said there was need for an Arab-Israeli coalition against Islamic extremism, which he defined as "a threat to our nation’s interests". He said that this strategy was "a paradigm for our nation’s approach to the post-cold war era." The US would engage its power and prestige in the struggle between "violence or peace, regression or freedom, isolation or dialogue".

4.

Cette position était loin d’être conjoncturelle et elle a été reprise, le 20 octobre 1999, devant l’Israel Policy Forum, par M. Sandy Berger, successeur de M. Lake. "A moins de pouvoir résoudre les problèmes en suspens du processus de paix", expliquait-il, "les forces centrifuges entreraient en action dans cette région qui possède une quantité croissante d’armes de destruction massive. Le danger d’un conflit impliquant de telles armes est réel et il est donc de l’intérêt des États-Unis de voir réussir le processus de paix."

4.

Lake’s views do not reflect an episodic or politically partisan view. They were taken up by Sandy Berger, Clinton’s current national security advisor, on 20 October before the Israel Policy Forum. "Unless we can resolve the festering problems of the [Middle East] peace process", Berger explained, "it will unleash the centrifugal forces in the region, a region increasingly in the possession of more and more sophisticated weapons. The danger of conflict involving weapons of mass destruction is substantial and therefore I believe that it is a vital interest to the United States to see the peace process succeed."

5.

Ephraim Halevi, responsable du Mossad, le service de renseignement israélien, expliquait, lors d’un récent discours devant des diplomates israéliens : "Chacun ici présent sait qu’un traité de paix avec la Syrie va être signé et bientôt." Mais il ajoutait que le désir de normalisation d’Israèl ne serait jamais satisfait, parce que les traités de paix seront perçus par ses voisins seulement comme des "cessez-le-feu".

5.

Ephraim Halevi, head of the Israeli intelligence agency Mossad, offered his view of the nature of Israel’s relations in the region in a recent address before Israeli diplomats : "Everyone sitting in this rooms knows that a peace treaty with Syria will be signed, and soon." Israel’s desire for normalisation would go unfulfilled, Halevi warned, because peace agreements were viewed by Israel’s Arab partners as only a "cease fire".

6.

Des diplomates du ministère israélien de la défense ont reçu l’ordre de ne jamais utiliser l’expression "normalisation" mais "bon voisinage". Le changement dans la terminologie n’est pas seulement une concession aux sensibilités arabes, mais reflète la conviction que la paix au Proche-Orient sera ce que le premier ministre israélien, M. Ehoud Barak, a appelé une "paix armée", caractérisée par une guerre froide permanente avec les pays arabes.

6.

Diplomats in Israel’s foreign ministry have been instructed not even to use the word "normalisation" to describe Israel’s aspirations for its relations with Arab countries. The preferred expression is now "good neighbours". The change in terminology is not simply a concession to Arab sensibilities. It also reflects the prevailing Israeli view that peace in the Middle East will be what the Israeli prime minister, Ehud Barak, has called an "armed peace", characterised by a continuing cold war between the Arabs and Israel.

7.

Les perspectives exprimées par le ministre syrien des affaires étrangères, M. Farouk El Chareh, confirment cette évolution : "Bâtir un état de paix dans l’avenir signifierait transformer un état de conflit (militaire) en un conflit (différent) politique, idéologique, économique, commercial, etc., qui pourrait nous apporter un mieux-être. Nous devons laisser une chance à ce type de conflit, tout comme nous avons donné sa chance au conflit militaire."

7.

Views expressed by the Syrian foreign minister, Farouk al-Sharaa, in the most expansive and authoritative statements on Syria’s view of its current diplomacy with Israel, confirm this perspective : "Establishing a state of peace in the future would mean turning the state of [military] conflict into a [different] conflict —political, ideological, economical, commercial, etc. that may give us a better standing. Therefore, we must give this type of conflict a chance, just as we gave a chance to the military conflict".

8.

Israèl, conformément à son dynamisme et à sa puissance, a effectué les préparations les plus élaborées et les plus amples, tant sur le plan militaire qu’idéologique, pour cette nouvelle ère. Pour M. Ehoud Barak, il s’agit d’abord d’améliorer encore les énormes capacités israéliennes de combat et de renseignement, notamment dans les domaines non conventionnels et de missiles. Un accord israélo-syrien permettrait d’obtenir une importante aide militaire américaine, non pas pour compenser " la perte du Golan, mais pour permettre à Israèl de poursuivre ses ennemis "par-delà l’horizon" et de se prémunir contre les armes de destruction massive et les missiles.

8.

Israel, as befits a country of its dynamism and power, has made the most elaborate and extensive preparations, both militarily and doctrinally, for this new era. For Barak, it is a question of improving Israel’s war-fighting and intelligence-gathering capabilities, especially as they relate to non-conventional and missile warfare. An Israeli-Syrian agreement would enable Israel to get substantial US military aid, not as compensation for the loss the Golan Heights, but rather to allow Israel to pursue its enemies "over the horizon" and arm itself against missiles and weapons of mass destruction.

9.

L’acquisition de telles technologies est possible parce qu’Israèl a été en mesure de se placer à l’intersection des deux problématiques situées au coeur des préoccupations de la politique étrangère américaine : l’instauration d’une paix régionale et la construction d’une infrastructure de sécurité et de renseignement afin de se protéger des tirs de missiles en provenance d’ "États voyous". Le coeur de la relation israélo-américaine est la création, le développement et le déploiement partagés d’un système de missiles antimissiles (Theatre Missiles Defense, TMD). Ainsi, malgré la fin de la guerre froide, le statut d’allié stratégique des États-Unis acquis par Israèl s’est renforcé, contrairement à ce que nombre d’observateurs prévoyaient il y a une dizaine d’années.

9.

The provision of such technologies is possible today only because Israel has been able to place itself at the intersection of the two issues at the heart of US foreign policy concerns at the dawn of the 21st century —the establishment of a regional peace and the construction of a security and intelligence architecture to protect against missile launches from "rogue" regimes. The heart of the US-Israeli relationship is the creation, development, and deployment of an anti-missile system, Theatre Missile Defence (TMD). It enhances Israel’s partnership with Washington, marking Israel’s successful transition from cold war ally to strategic ally, a feat that many did not consider possible a decade ago.

10.

Le 20 novembre 1999, M. Barak donnait la vue d’ensemble la plus explicite sur les menaces et les remèdes à la base de ce partenariat stratégique. "La prolifération des armes de destruction massive", expliquait-il, "les programmes nucléaires de régimes extrémistes et le développement du terrorisme sponsorisé par les États sont des menaces qui visent directement Israèl, les États-Unis et, en fait, toutes les démocraties du monde. La responsabilité de toute la communauté internationale est donc de développer une coopération sécuritaire efficace pour faire face ensemble à ces menaces. Il n’y a pas de plus bel exemple dans ce domaine que les liens stratégiques et la coopération dans le domaine du renseignement qui se sont multipliés entre les États-Unis et Israèl. L’Arrow un système de missile antimissile a été développé par nos deux pays afin de contrer les missiles sol-sol qui sont aux mains de régimes scélérats et extrémistes. Nos amis à Washington savent que le soutien à Israèl relève de l’intérêt national américain. Notre partenariat se fonde sur une même compréhension des menaces et des mises en danger de notre mode de vie."

10.

On 20 November Ehud Barak gave his most explicit overview of the threats, and the remedies, that form the basis for this strategic partnership. "The proliferation of weapons of mass destruction", Barak explained, "the nuclear programmes of extremist regimes and the spread of state-sponsored terrorism are threats directed at Israel, at the United States, indeed at all democracies around the world. It is therefore the responsibility of the international community to develop effective security cooperation to confront these threats together. There is no finer example than the close strategic ties and intelligence cooperation that flourishes between the United States and Israel. The Arrow was developed by our two countries to counter the ground-to-ground missiles that are in the hands of rogue and extremist regimes. Our friends in Washington know that support for Israel is in the American national interest. Ours is a partnership united by a common understanding of the existing threats and dangers to our way of life."

11.

Au centre de ce partenariat, qui n’est pas toujours aussi idyllique que l’affirme M. Barak, on trouve l’arsenal israélien d’armes non conventionnelles. Tandis que les capacités israéliennes en ce domaine ont longtemps compliqué la stratégie américaine régionale et les initiatives internationales sur le contrôle des armements, les États-Unis reconnaissent désormais leur apport positif. Israèl s’intègre, tant d’un point de vue conceptuel que pratique, dans la stratégie globale de défense nucléaire américaine.

11.

At the heart of this new era of strategic collaboration - perhaps less idyllic that it seems - is its arsenal of non-conventional weapons. While Israel’s capabilities in this sphere have long complicated US regional strategy and international arms control initiatives, the US now acknowledges their positive value. Israel is integrating, both conceptually and practically, into Washington’s global nuclear defence strategy.

12.

Des nations qui, tels l’Iran et l’Irak, cherchaient à défier la toute-puissance régionale israélienne ou la domination américaine se sont muées d’adversaires régionaux en adversaires stratégiques, et leurs liens avec d’autres "États voyous", notamment la Corée du Nord, ont été identifiés à Washington comme le défi stratégique de l’après-guerre froide.

12.

Nations such as Iran and Iraq, seeking to challenge either Israel’s regional pre-eminence or Washington’s global reach, are transformed from regional into strategic opponents, and their links with other "rogue" states, namely North Korea, have been identified in Washington as the defining strategic challenge, both regionally and globally, of the post-cold war world.

13.

Les États de la région situés à la périphérie de l’affrontement, parmi lesquels l’Egypte, l’Arabie saoudite et la Syrie, font face à un dilemme stratégique. Dépourvus de capacités avancées dans le domaine des missiles et des armes non conventionnelles, et ne bénéficiant pas de relations privilégiées avec Washington, ils doivent évaluer les avantages d’un partenariat, en position mineure par rapport à Israèl, avec les États-Unis.

13.

Middle Eastern countries on the periphery of this contest, including Egypt, Saudi Arabia and Syria, are in a real strategic dilemma. As countries without an advanced non-conventional or missile infrastructure, or intimacy with Washington, Saudi Arabia and Egypt must weigh the merits of a distinctly junior partnership with the US compared with that of Israel.

14.

La Syrie, alliée de l’Iran, de ses fournisseurs d’Extrême-Orient, et dans une certaine mesure de la Russie, ne dispose pas des atouts technologiques et militaires de l’alignement défendu par Washington. Une rupture avec l’Iran sera le prix exigé de la paix avec Israèl. Un des éléments de la domination régionale israélienne est son éclatante alliance avec la Turquie, décrite par M. Benjamin Nétanyahou, alors qu’il était premier ministre, comme "l’axe central" de l’alliance régionale pour affronter les "régimes radicaux des États qui développent des missiles balistiques capables de transporter des armes non conventionnelles".

14.

Syria finds itself in an inferior strategic partnership with Iran and its suppliers in the Far East, and to a lesser extent Russia. It does not have the technological and military clout of an alignment championed by Washington. A Syrian break with Tehran will be the price of rapprochement with Israel. Meanwhile, a significant corollary of Israel’s regional domination is its burgeoning alliance with Turkey, described by then-Prime Minister Binyamin Netanyahu as the "central axis" of a regional alliance to confront "radical regimes in states developing ballistic missiles with unconventional warheads".

15.

Ce réseau de relations s’est révélé bien plus attractif pour les dirigeants israéliens que tout ce que pouvaient offrir les accords d’Oslo ou même ceux de Camp David. Mais les responsables syriens et iraniens y voient un acte d’agression à leur encontre. Le ministre syrien des affaires étrangères, M. Farouk El Chareh, a prévenu qu’ "Israèl visait le Golfe à travers la Turquie", alors que les Iraniens perçoivent cette collaboration comme un moyen facilitant l’accès d’Israèl à des informations sur leur pays, notamment par l’installation de postes d’écoute à leurs frontières.

15.

This network of ties is far more attractive to Israeli leaders than anything offered by Madrid, Oslo, or even Camp David. Not surprisingly, Syrian and Iranian officials look warily upon this relationship as an aggressive act directed against them. Syrian Foreign Minister al-Sharaa, for example, has warned that "Israel is targeting the Gulf through Turkey", while Iranian officials view the alliance as facilitating Israeli access to Iran in military and intelligence domains.

16.

Le soutien américain à Israèl n’est qu’un aspect, quoique le plus dynamique, de la politique régionale de Washington. Après d’insistants efforts, l’Egypte a annoncé son intention d’acquérir deux lanceurs Patriot pour se défendre des attaques de missiles. Dans le Golfe et lors de rencontres avec des responsables saoudiens à Washington, le secrétaire américain de la défense, M. William Cohen, a été un infatigable promoteur de la Cooperative Defense Initiative (CDI), un système de pré-alerte à grande échelle contre les missiles, fondé sur un échange rapide d’informations entre les pays du Golfe et le Pentagone.

16.

American support for enhancing Israel’s strategic defence capabilities is only one facet, albeit the most dynamic, of Washington’s regional policy. After persistent US efforts, Egypt has announced its intention to purchase two improved Patriot batteries to defend itself against incoming missiles. In the Gulf and in meetings with Saudi officials in Washington, US Secretary of Defence William Cohen has been a tireless promoter of the Cooperative Defence Initiative (CDI) —a region-wide early-warning system against missile threats based on a rapid exchange of information between the Gulf countries and the Pentagon.

17.

"Nous avons mis l’accent sur la façon d’améliorer nos façons de travailler ensemble afin de contrer les armes de destruction massive, expliquait M. William Cohen durant ces rencontres. Préalerte partagée, développement des défenses active et passive pour venir à bout des armes chimiques et biologiques, et les manières de faire face aux conséquences potentielles d’une attaque sont tous des aspects très importants de la CDI."

17.

"We focused on improving ways to work together to counter weapons of mass destruction", Cohen explained after talks in the Gulf last November. "Shared early warning, the development of active and passive defences to deal with chemical and biological weapons, and methods for dealing with the potential consequences of a chemical or biological attack, are all very important parts of the Cooperative Defence Initiative that we are developing with the Gulf states".

18.

A l’inverse d’Israèl, les pays du Golfe ont tous répondu avec scepticisme aux efforts du Pentagone. Ils ont exprimé leurs doutes et ils rechignent à se compromettre dans une stratégie qui les place en connivence avec Israèl, contre l’Iran et l’Irak, en adoptant une technologie de plusieurs milliards de dollars... qui n’a pas encore fait ses preuves. La Cooperative Defense Initiative demeure néanmoins un élément-clé dans le dispositif de sécurité militaire que les États-Unis tentent de construire dans une ère de "paix armée". Elle inclut la création d’une large toile de systèmes de surveillance, dans le Golfe et le Proche-Orient, jusqu’en Turquie, contrôlés par les États-Unis et dirigés contre les régimes de Bagdad et Téhéran, et, si la paix échoue, contre Damas également.

18.

In contrast to Israel, Gulf countries have responded with scepticism to the Pentagon’s efforts. Doubts have been expressed and there is evident reluctance to commit to a strategy that places them in league with Israel, and against Iran and Iraq, by adopting an unproven, multi-billion dollar technology. CDI, nevertheless, remains a key element in the military-security framework that the US is keen to establish in an era of "armed peace". It includes the creation of a seamless network of surveillance systems, from the Gulf through the Middle East to Turkey, supervised by the US, against the regimes in Baghdad and Teheran, and —if a formal peace fails to materialise— against Damascus too.

19.

A la suite d’un essai réussi du missile Arrow en novembre 1999, Israèl est en passe de devenir le premier pays à déployer un tel système, l’une des technologies les plus recherchées de l’après-guerre froide. La Turquie, les Pays-Bas et Taïwan s’y intéressent aussi. Dans ce domaine, le transfert de technologie israélien à la Chine a provoqué une crise dans les relations israélo-américaines, bien que Pékin se soit engagé, en contrepartie, à ne pas vendre de nouveaux missiles sol-sol au Proche-Orient.

19.

In the aftermath of a test of the Arrow, deemed successful in November, Israel is now set to become the first country to deploy such a system - one of the most sought-after military technologies in the post-cold war world. Turkey, the Netherlands and Taiwan are said to be interested in the Arrow. The transfer of Israeli technology to China is one of the most combustible aspects of US-Israeli relations, although China has agreed not to make new sales of surface-to-surface missiles in the Middle East.

20.

L’Iran, ennemi ou alibi ?

20.

Enemy or alibi ?

21.

L’Iran, plus encore que l’Irak, demeure la principale cible de cet édifice de défense en construction. En août 1999, le général Amos Gilad, chef du renseignement militaire israélien, confirmait que la plus grande menace pour Israèl ne viendrait pas d’un État palestinien en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, ni d’une attaque surprise de la Syrie à travers le plateau du Golan, mais de la possession d’armes nucléaires par les dirigeants de Bagdad et de Téhéran.

21.

Iran, more than Iraq, remains the target of this edifice of defence. Last August Brigadier-General Amos Gilad, chief of Israel’s Military Intelligence, reaffirmed that the main threat facing Israel is not a Palestinian state on the West Bank and Gaza Strip, nor a surprise attack across the Golan plateau by Syria, but rather the possession of nuclear weapons by the leaders in Baghdad and Tehran.

22.

La menace nucléaire, expliquait récemment le chef d’état-major adjoint Uzi Dayan, est réelle. "Nous devons la prendre très sérieusement en considération. Cela ajoute une autre dimension à notre réflexion en matière de sécurité." La réponse aux missiles sol-sol et à la menace nucléaire, poursuivait-il, requiert de prendre une part active au développement et la construction de différents niveaux de riposte. "Nous devons d’abord prévenir et faire échouer par avance la menace, en rassemblant contre elle un large front international. A côté de cela, réside la dissuasion, puis la possibilité de recourir à des frappes préventives de très longue portée si la dissuasion échoue. Vient enfin la possibilité d’abattre des missiles, à travers le système Arrow."

22.

"The [nuclear] threat," explained the Israeli deputy chief of staff, Uzi Dayan, recently, "is real. It’s a threat we must treat very seriously. It definitely adds another dimension to our security thinking. The answer to surface-to-surface missiles and the nuclear threat requires taking an active interest in developments and building different layers of response. We have first prevention and frustration of the threat in advance, by assembling an international front against it. Beyond that lies the dimension of deterrence and then the possibility of utilising our very long reach for a preventative strike if deterrence fails. Then comes the possibility of bringing down missiles using the Arrow system".

23.

En dépit de la grande quantité de moyens développés par Israèl, les constats qui se sont dégagés de la guerre du Golfe - la nécessité de forces stratégiques de dissuasion et l’échec d’Israèl à décourager l’utilisation de missiles par l’Irak - continuent de guider la réflexion stratégique israélienne. D’autant que M. Ehoud Barak n’est pas parvenu à obtenir l’engagement de la Russie de mettre fin à son aide au programme de développement des missiles iraniens. "Je pense que les Russes vont continuer de soutenir l’effort iranien pour fabriquer des armes nucléaires et des missiles sol-sol", a-t-il reconnu lors de sa visite à Moscou en juillet 1999. Le 7 mai 2000, le président russe nouvellement élu, M. Vladimir Poutine, informait l’administration Clinton qu’il ne renoncerait pas aux prérogatives que Washington veut se réserver dans la région. Il annulait les contraintes marginales imposées au commerce russe en matière de savoir-faire et de technologie nucléaires, fixées par M. Boris Eltsine en 1992. Le commerce se fera maintenant avec n’importe quelle nation renonçant à construire des armes nucléaires, l’Iran inclus.

23.

Despite the variety of capabilities Israel is developing, the issues put in stark relief by the Gulf war —the need for strategic deterrence and Israel’s failure to deter Iraq’s use of missiles— continue to drive Israel’s strategic thinking. Barak himself has been unsuccessful in winning Russian agreement to end support for Iran’s missile programme. "I think that the Russians will continue to assist the Iranian effort to manufacture nuclear weapons and ground-to-ground missiles", Barak admitted after discussions in Moscow last July. On 7 May the newly elected Russian president, Vladimir Putin, put the Clinton administration on notice that it will not easily surrender prerogatives that Washington seeks to reserve to itself in the region. Putin rescinded the marginal restraints on Russia’s trade in nuclear know how and technology imposed by Boris Yeltsin in 1992. Trade will now be conducted with any nation that simply forswears an intention to build nuclear weapons, including Iran.

24.

Pourtant, le retrait israélien du Liban sud pourrait changer les données. Le 4 avril 2000, dans une déclaration à l’université de Haïfa, M. Yossi Beilin, ministre de la justice, est devenu le premier officiel israélien important à reconsidérer l’hostilité envers la révolution iranienne. "L’Iran du président Khatami et l’Iran d’après les élections de février 2000 est un pays avec beaucoup plus de nuance et beaucoup plus de complexité que ce que nous avons été habitués à connaître. En raison des changements positifs intervenus en Iran, il est nécessaire de modifier notre perception à son égard. Une nouvelle ouverture est à portée."

24.

However, Israel’s withdrawal from south Lebanon could set in motion a number of changes in the regional strategic landscape. On 4 April, in a speech at Haifa university, Minister of Justice Yossi Beilin became the first top-level Israeli official to call for a rethinking of Israel’s antipathy toward the Iranian revolution. Beilin declared, "The Iran of President Khatemi and Iran after the [February] elections is a country with far more nuances and far more complexity than we have become accustomed to seeing. Due to the positive changes evidenced in Iran, there is a need to change our approach toward it. An opportunity for a new opening is at hand."

25.

A la mi-mars, le ministre allemand des affaires étrangères, M. Joschka Fischer, a transmis un message de l’Iran à son homologue israélien, M. David Levy, soulignant qu’une solution au Liban amènerait un changement significatif dans l’atmosphère entre les deux pays.

25.

In mid-March the German foreign minister, Joschka Fischer, conveyed a message from Iran to Israeli foreign minister David Levy, underlining that a solution in Lebanon would bring a significant change in the atmosphere between Israel and Iran.

26.

Les remarques de M. Beilin prouvent qu’il y aurait une solution de rechange à la vision dominante en Israèl : la reconnaissance de l’Iran comme partenaire. L’idée d’"une stratégie à la périphérie, une alliance des pays non arabes de la région, a des partisans silencieux en Iran", selon un Iranien proche des réformateurs.

26.

Beilin’s remarks suggest an alternative to the dominant view in Israel : recognition of Iran as a partner. The idea of a "strategy of the periphery", an alliance of non-Arab countries in the region, "has quiet supporters in Iran," according to an Iranian associated with the reformers.

27.

On n’en est pas là. L’Iran a renforcé son potentiel de dissuasion contre Israèl en fournissant au Hezbollah, en février 2000, des missiles sol-sol Al Fajr 3 et 5, entreposés au Liban, vraisemblablement dans la Bekaa, sous contrôle iranien ou syrien. Selon des sources miliaires israéliennes, ces missiles, d’une portée de 70 kilomètres, peuvent atteindre tout le nord d’Israèl. Ils représentent un changement dans l’équation stratégique régionale et reflètent, non seulement une politique iranienne combative d’affirmation de la pérennité de ses intérêts au Liban, mais aussi la tentative de créer une dissuasion stratégique contre les attaques israéliennes contre l’Iran.

27.

But we are not there yet. Iran has moved aggressively to bolster Hizbollah’s deterrent power against Israel with the February shipment of surface-to-surface Al Fajr 3 and 5 missiles, now reportedly in storage in Lebanon, most probably in the Bekaa, under Iranian or Syrian control. According to Israeli defence officials, these missiles, with a range of up to 70km, can cover all of northern Israel. They represent a change in the regional strategic equation, reflecting not only an Iranian policy of aggressively asserting its continuing interest in Lebanon but also an attempt to create a strategic deterrent to massive Israeli attacks against Iran.

28.

Barak, qui ne qualifie plus l’Iran d’ "ennemi" mais de "menace", pense que les Iraniens ne sont pas encore prêts à reconsidérer leurs relations avec Israèl. "Aussi longtemps que l’Iran continue à se doter d’armes nucléaires et non conventionnelles, il n’y a pas lieu de changer de politique", faisait remarquer son porte-parole après le discours de M. Beilin.

28.

Barak, who no longer classifies Iran as an "enemy" but as a "threat," believes that the Iranians are not yet prepared to move relations with Israel to a different plane. "As long as Iran continues arming itself with nuclear and non-conventional weapons, there is no room for a change in policy," noted Barak’s spokesman after Beilin’s speech.

29.

Même ceux qui, comme ce dernier, sont favorables à un changement dans la politique israélienne, acceptent le consensus autour de la modernisation des missiles, ainsi que des forces de préalerte et de dissuasion, en totale coordination avec Washington, ainsi que la poursuite des efforts pour endiguer les flux de matériels à double usage " en provenance de la Chine, de la Corée du Nord, de la Russie et d’autres États de la CEI, vers le Proche-Orient.

29.

Even those who, like Beilin, support a change in Israeli policy accept the consensus on the modernisation of Israel’s missile, early warning and deterrent forces, in full coordination with Washington, and a continuation of efforts to stem the flow from China, North Korea, and Russia and other CIS states, of sophisticated dual use and missile technology to the Middle East.

30.

L’un des principaux arguments dans les délibérations internes israéliennes sur les relations avec l’Iran est la nécessité de ne pas freiner l’élan pris aux États-Unis pour développer une nouvelle génération de technologies de pointe et de systèmes d’armement contre la menace des missiles et des armes non conventionnelles de la part des "États voyous". Faire passer l’Iran pour un ennemi implacable demeure important dans la tentative israélienne de gagner une "aide sécuritaire" évaluée à 17 milliards, qui accompagnerait un accord de paix avec la Syrie. Si un tel accord avec Damas échouait, Israèl devra trouver d’autres arguments pour pouvoir, quand même, bénéficier de cette extraordinaire manne.

30.

One of the central arguments made in Israel’s internal deliberations on its relations with Iran is the need not to reduce the momentum in the US for deploying a new generation of sophisticated technologies and weapons systems against the missile and non-conventional threat of "rogue" nations. Promoting Iran as an implacable enemy remains important to Israel’s effort to win the $17bn "security package" that was to accompany a peace agreement with Syria. If an agreement with Syria fails to materialise, Israel will need another rationale to be able to profit from this extraordinary manna.

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