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1. Présenté comme le successeur du colonel Kadhafi, son fils Saïf al ?Islam prépare son accession en fréquentant la bonne société européenne. Ce qui ne l’empêche pas d’éprouver un fort resse I’Occident, "coupable de l’avoir maltraité". |
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1. As Gadafy’s son, he grew up under western bombs and sanctions. Saif al-Islam tells Emma Brockes he can forgive - but he can’t forget. |
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2. Emma Brockes, THE GUARDIAN, Londres |
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2. Emma Brockes The Guardian, Tuesday April 23, 2002 |
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3. Les gens regardent, intrigués. Saif al ?Islam Kadhafi, fils du colonel, pose pour les photographes dans le hall d’un grand hôtel londonien. Ce jeune homme a des airs de play ?bay princier : il pourrait lancer une garnme de vêtements de sport ou un nouvel après ?rasage, n’était ce petit quelque chose de majestueux dans son maintien. Et, quand il sourit, on a le sentiment d’être en présence d’un vrai politique. |
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3. People are staring. Saif al-Islam Gadafy, son of the colonel, is posing for photographs in the lobby of a stuffy London hotel. He looks like a playboy prince : wholemeal loafers, ultra-white teeth, immaculate tailoring. He could be launching a range of leisure wear or a new aftershave, except that there is something vaguely imperial about his carriage. And when he smiles, it is pure politician. |
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4. Le jour précédent, ma demande d’ interview de Kadhafi junior a été soumise à une condition inattendue. Il pourrait consentir à me voir, a déclaré un secrétaire, mais je devais d’abord accepter une visite préliminaire dans son hôtel de Park Lane et répondre à quelques questions. Curieuse exigence. Ma collègue et moi ?même nous sommes présentées au rendez-vous en nous attendant à ce qu’on nous fasse faux bond. |
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4. The day before, my request to interview Gadafy is met with an unexpected condition. He might be persuaded to see me, an aide says, if I agree to a preliminary visit to his hotel in Park Lane and submit to some questioning. It is an odd request, and a colleague and I go expecting to be stood up. |
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5. Le hall regorge d’horloges anciennes et d’horribles croûtes. Quand on demande à la réception si quelqu’un est enregistré au nom de Kadhafi, on nous gratifie d’un grognement moqueur. A peine entrées, un homme nous fait signe de nous arrêter en nous demandant si nous sommes bien "les filles envoyées par l’agence". Aprés un moment de confusion, il apparaît qu’on nous a prises pour des call-girls. |
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5. The lobby is stuffed with grandfather clocks and terrible oil paintings, and there are staff dressed in waistcoats who snort derisively when asked if there is a "Mr Gadafy" on their books. Two paces inside the door and we are stopped by a man who asks if we are the girls he has sent for from the agency. After a moment’s confusion, it becomes clear that he has mistaken us for escorts. |
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6. Toutefois, le secrétaire de Kadhafi, un Moyen-Oriental à moustache qui regarde nerveusement de tous côtés, nous attend. "Quelles questions allez-vous poser ?" demande-t-il, scrutant fiévreusement le moindre recoin de la pièce. Je réponds que je vais l’interroger sur sa vie. Il se penche sur un carnet et d’une écriture soigneuse note : "vie". Il transmettra à Kadhafi, précise-t-il, et me recontactera. "JE N’OUBLIERAI JAMAIS COMMENT J’AI ÉTÉ TRAITÉ" |
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6. The Gadafy aide, however, is waiting for us, a Middle-Eastern man with a moustache and a lot of nervous eye-movement. "What questions will you ask ?" he says, glancing feverishly around the room. I will ask about Gadafy’s life, I say. He leans over a notebook and in painstaking script writes : "Life." He will relay this to Gadafy, he says, and get back to me. |
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7. La vie est sur la liste des sujets abordables, semble ?t ?il. En effet, le soir suivant, au même endroit, Saif al-Islam Kaddafi apparaît, rayonnant. Il vient de recevoir des excuses du Daily Telegraph, qui l’avait qualifié de "nonconformiste peu fiable". Il nous sourit de toutes ses dents. "Nous avons fait pression sur eux pour qu’ils publient un rectificatif ", note ?t ?il avant de remonter les escaliers d’un pas gracieux, suivi de prés par son assistant nerveux. |
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7. Life, apparently, is on the yes list, for at the same venue the following evening, Saif al-Islam Gadafy is produced with a flourish. He has just won an apology from the Sunday Telegraph for calling him an "untrustworthy maverick". He smiles abruptly, and with force. "They were under pressure to settle," he says, and glides up the stairs, followed at a short distance by his hand-wringing assistant. |
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8. Le jeune Kadhafi, 30 ans, vient pour la première fois au Royaume-Uni, ce qui l’agace considérablement. Les Occidentaux ont été particulièrement injustes avec lui, assure ?t ?il. Enfant lors des bombardements de Tripoli [raids des Etats ?Unis de Reagan en 1986], jeune homme durant les années de pires sanctions [imposées par l’ONU de 1992 à 1999] contre la Libye, Kadhafi junior trouve particulièrement injuste d’avoir été refusé par les grandes universités occidentales. "Oui, je leur en ai beaucoup voulu, assure ?t ?il. L’Occident a tout fait pour m’empêcher d’étudier. On m’a refusé les autorisations en France et au Canada, en Suisse, en Australie, dans presque tous les pays occidentaux. Sous prétexte que je suis le fils du colonel Kadhafi. C’est de la discrimination, ni plus ni moins. Je ne suis pas quelqu’un de rancunier, mais je n’oublierai jamais comment j’ai été traité. Ces pays-là ne m’ont pas fait de cadeau, et je m’en souviendrai" IL NE TOLÉRE PAS LE MOT DE DICTATEUR" |
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8. At the age of 30, this is Gadafy’s first trip to Britain, a fact that annoys him considerably. He has suffered great personal indignity at the hands of the west, he says. A child at the time of the bombing of Tripoli, a teenager through Libya’s worst years of sanctions, the injustice Gadafy feels most keenly is his rejection from the west’s Ivy League universities. "Yes, I hated them for that," he says. "The west made it very difficult for me to study. I was refused permission by France and Canada, Switzerland, Australia, almost all western countries, for nothing. Just because I am the son of Colonel Gadafy. It’s a kind of discrimination. I’m a friendly person, but I cannot forget being treated like that. Those countries were bad to me, and I will remember." |
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9. C’est la plus longue tirade que j’arrive à obtenir de lui en quarante minutes d’entretien. Kadhafi junior, en fils de parfait politique, est la politesse et la discrétion mêmes. Il a étudié l’architecture en Libye et on lui doit "de nombreux monuments, des centres sportifs, des bibliothèques". Il est très proche de sa famille. Il aime de "nombreux" sports ? non sans avoir insisté, on arrive à lui faire dire : "la plongée, le tennis et le football". Il aime le beau temps et les philosophes allemands. Il voudrait faire un doctorat de sciences politiques à la London School of Economics. Après quoi il deviendrait peut ?étre professeur d’université. |
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9. This is the longest speech I get out of him in 40 minutes. Gadafy is the perfect politician’s son, polite and unforthcoming. He studied architecture in Libya and is responsible for "many monuments and sports centres and libraries". He is close to his family. He likes "many" sports - it takes some painful prodding to commit him to "diving, tennis and football". He likes warm weather and the German philosophers. He wants to do a doctorate in politics at the London School of Economics. After that he might become a professor. |
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10. "]e préférerais écrire des livres sur la politique plutôt que de la pratiquer, dit ?il. Ecrire un livre ou un article sur les affaires internationales, cela vaut mieux que de s’époumoner au Parlement. C’est plus utile." |
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10. "I’d rather write books about politics than practise them," he says. "To write a book or a paper about international affairs is better than to shout in a parliament. More useful." |
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11. La politique fait partie intégrante de sa vie. "]e ne la pratique pas, mais j’ai toujours baigné dedans. J’ai ça dans le sang." |
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11. Politics is part of his life. "I don’t practise it, but I grew up surrounded by it. It’s in my blood." |
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12. C’est son enfance, dans la famille Kadhafi, qui laisse le plus rêveur. Il est le fils cadet d’un deuxième mariage (il a cinq frères, parmi lesquels un médecin, un avocat et un footballeur). A-t-il été gâté ? "Non. Je n’ai pas été gâté." Quand a-t-il compris que son père était quelqu’un d’important ? "]e ne me rappelle pas. Il y a longtemps." A-t-il grandi dans un palais ? "Enfait, nous avions une maison très modeste, plus une tente. Nous sommes différents des autres familles royales, parce que la Libye est très révolutionnaire, trés socialiste, très à gauche. Tout notre système est en faveur de l’égalité, de la responsabilité, de tout ce qui est typiquement socialiste." |
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12. It is the childhood he had in the Gadafy household of the 1980s that most boggles the mind. As the eldest son of his father’s second marriage (he has five siblings, among them a doctor, a lawyer and a footballer), I wonder if Gadafy junior was spoilt. "No. Not spoilt." When did he realise his father was important ? "I can’t remember. Long time ago." Did he grow up in a palace ? "Actually, we have a very modest house, plus tent. Yeah. We are different to other royal families, because Libya is very revolutionary and very socialist and very to the left. The whole system is in favour of equality and maturity and typical socialist things." |
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13. Socialiste. Voici comment Kadhafi junior définit le régime de son père. Il ne tolère pas le mot de "dictateur". Lorsqu’on lui demande de décrire la société libyenne, il la compare à la Suisse. "Les Libyens sont avant tout des gens trés sérieux, contrairement aux Libanais par exemple. Nous sommes très conservateurs. Nous ne rions pas beaucoup. Sauf moi", lance ?t ?il en arborant son sourire éclatant. "Et puis nous sommes une société très fermée. Comme les Suisses. Mais accueillante. Il n’est pas facile de pénétrer dans la société, mais si l’on apprend à connaître un Libyen, on peut dire qu’on a un véritable ami." |
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13. This is how Gadafy characterises his father’s regime. "Dictator" is not a word he tolerates. Asked to describe Libyan society, he compares it to Switzerland. "The Libyans are first of all very serious, unlike the Lebanese and so on. We are very conservative. We don’t laugh too much. Except me." He flashes the neon smile. "Also, we are a very closed society. Like the Swiss. But friendly. It’s not easy to penetrate the society, but if you get to know a Libyan, then you can say you have a good friend." |
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14. Kadhafi junior estime que les relations de la Libye avec l’Occident s’améliorent. "Oui, nous sommes en danger, reconnaît ?il. Nous avons connu des temps difficiles, à cause de nos positions, de mon père, nous avons dû combattre divers adversaires et nous avons accumulé un lourd passif. Nous avons affronté les superpuùsances, et même nos voisins. Nous awns été en conflit avec le Nord et le Sud, l’Est et l’Ouest. Cela n’a pas été facile pour nous." Mais, par ailleurs, "la situation a progressé. Les choses vont dans le bon sens. Nous coopérons avec tous les pays occidentaux. Même le Canada et les Etats ?Unù sont prêts à entamer de nouvelles relations avec nous. Nous entrons dans une période de détente, nous allons tisser de nouveaux liens." |
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14. Gadafy believes Libya’s relationship with the west is improving."Yes, we were in danger," he says. "We had a hard time, because of our position, my father, and we faced a lot of battles with different parties and incurred a lot of liabilities. We faced superpowers and even our neighbours. Confrontation in the north and the south, the east and the west. It wasn’t easy for us." But, he says, "it has progressed. It’s going towards the right direction. All the western countries and Libya co-operate together. Even the Canadians and Americans are willing to start a new relationship. We are going to reach a very good stage. We are building new ties." |
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15. L’atmosphère s’est dètendue entre la Libye et les pays occidentaux, notamment au lendemain de la condamnation d’Abdel Baset al Megrahi [le 31 janvier 2001] pour 1’attentat de l’avion de la Pan Am [qui a explosé en vol, le 21 dècembre 1988, au ?dessus de Lockerbie, dans le sud de l’Ecosse]. Kadhafi junior se rallie au verdict dans la mesure où il a permis une détente avec l’Occident. "Avant le procès, il n’y avait pas de relations. Il y avait une ambassade des Pays-Bas à Tripoli, mais pas d’ambassade libyenne à La Haye. Maintenant, nous avons rétabli nos relations diplomatiques avec le Royaume ?Uni, la France et les Etats ?Unis.” Dernièrement, le jeune Kadhafi a pu ètudier en Autriche, et dèsormais il devrait pouvoir le faire à Londres. |
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15. The air between Libya and the west has been cleared in part by the conviction of Abdel Baset al-Megrahi for the Lockerbie bomb. Gadafy is supportive of the verdict in so far as it has enabled a detente with the west."Before the trial, there were no relations. There was a Dutch embassy in Tripoli, but no Libyan embassy in the Hague. Now we have diplomatic relations with the British and France and the United States." Latterly, he has been able to study in Austria and now, potentially, in London. |
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16. LES ISRAÉLIENS, CE SONT DES ÉTRANGERS SUR CETTE TERRE |
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16. With fluent diplomacy, Gadafy says that his British political education is too primitive to offer a critique of Tony Blair. "He is young," he says. "He is a reformer." His thoughts on the Middle East are more advanced. |
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17. Son père exceptè, le hèros politique de Kadhafi est Yasser Arafat. Il est venu chez nous bien souvent quand j’étais enfant. Il est d’une grande gentillesse. La lutte est inégale. Ils [les Palestiniens] sont très faibles. Arafat est en état de siège. Mais je suis sûr qu’avec de la patience ils [les Palestiniens et les Israéliens] vont parvenir à un accord, comme moi avec le Daily Telegraph." Kadhafi n’a rien contre les Israéliens individuellement, fait ?il valoir ; de même qu’il ne juge pas les simples citoyens occidentaux responsables des actes de leurs gouvernements. Mais, parlant des Israéliens, il déclare : "Ce sont des étrangers ? ils sont arrivés de Russie, d’Allemagne et de Pologne pour créer un Etat artificiel fondé sur la séparation, sur la discrimination et sur un système de classes. Nous ne pouvons pas tolérer un tel Etat." |
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17. Apart from his father, Gadafy’s political hero is Yasser Arafat. "He came to our house many times when I was growing up. He is very friendly. The fight is imbalanced. They are very weak. Arafat is under siege. But with patience, I’m sure they are going to reach settlement, like me and the Telegraph." Gadafy has no beef with individual Israelis, he says, just as he does not hold individual westerners responsible for the actions of their governments. But of Israel as a nation, he says : "They are foreigners - they came from Russia and Germany and Poland to make an artificial state based on separation and discrimination and a class system, and we aren’t going to accept a state like this. No way." |
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18. Kadhafi junior s’est rèservè une journée pour visiter Londres. Il a aussi l’intention de passer voir des amis. Il dit que, s’il vient ètudier ici, il ne sera qu’un modeste ètudiant. Il me rappelle qu’il est musulman et qu’il ne boit pas d’alcool. Par ailleurs, prècise-t-il, son goût de l’Occident est toujours tempèrè par la certitude qu’on surveille ses faits et gestes. "Enfin, cela fait partie du jeu." Nous adressant un dernier sourire, il se dirige vers les ascenseurs, I’air un peu arrogant. |
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18. Gadafy has put aside one day for sightseeing in London. He intends to visit friends and landmarks. He says that if he comes here to study, he will be a modest student. He reminds me that he is a Muslim and doesn’t drink. Besides, he says, his enjoyment of the west is always tempered by the certainty that his movements are being monitored. "It is all part of the game." He smiles briskly and heads for the lifts with a little swagger. |
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