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Du Seigneur des Anneaux à Harry Potter


Tolkien, Rowlings and the Boy Hero

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Le Monde diplomatique - DÉCEMBRE 2002 - Page 32

1.

Le Monde diplomatique - December 2002

2.

DU « SEIGNEUR DES ANNEAUX » À « HARRY POTTER »

2.

TOLKIEN, ROWLINGS AND THE BOY HERO

3.

Le Mal et l’enfant sauveur

3.

Harry Potter and the forces of evil

4.

Par ISABELLE SMADJA, Auteur de Harry Potter, les raisons d’un succès, et Le Seigneur des anneaux ou la tentation du mal, Presses universitaires de France (PUF), Paris, 2001 et 2002.

4.

by ISABELLE SMADJA, author of Harry Potter, les raisons d’un succes and Le Seigneur des Anneaux ou la tentation du mal, Presses Universitaires de France (PUF), Paris, 2001 and 2002. Translated by Ed Emery with the help of Alexei and Katie Schwab.

5.

Initialement prévu pour les enfants, Harry Potter, de Joanne Kathleen Rowling, a bénéficié, presque simultanément, de l’engouement des parents, et son succès auprès des adultes ne cesse de s’amplifier. Or ce roman, construit autour du risque grandissant de la guerre et des destructions qu’elle engendre, met en scène un enfant chargé de sauver le monde des fléaux qui le menacent et de partir en guerre contre les forces du mal.

5.

JK ROWLING’S Harry Potter stories were originally meant for children, but have struck a chord with parents, and there is now a fast-growing adult readership for the books. They are set against the threat of war and destruction, and in them it falls to a child to battle against the forces of evil and save the world from harm.

6.

Le Seigneur des anneaux, de John Ronald Reuel Tolkien, dont l’adaptation cinématographique est en passe d’obtenir un succès sans précédent depuis la publication du livre dans les années 1940, se construit sur un schéma identique. La tâche quasiment insurmontable de sauver la planète du péril que fait peser sur elle Sauron, personnage maléfique incarnant les « forces du Mal », revient à un enfant, ou plutôt à ce qui en est l’équivalent symbolique : un Hobbit, jeune homme inexpérimenté, ne mesurant pas plus de 90 cm et encore sous la tutelle d’un adulte, le magicien Gandalf.

6.

JRR Tolkien’s The Lord Of The Rings, first published in the 1940s and now enjoying huge success in its film adaptations, has an identical premise. The world has to be saved from the threat of Sauron, who embodies the forces of evil, and the task falls to the symbolic equivalent of a child : Frodo, an inexperienced young hobbit, who is a mere 90cms tall and still under the guardianship of an adult, the wizard Gandalf.

7.

Certes, le thème du sauveur est très ancien, et nul n’ignore que le messie est, dès sa naissance, voué à ce destin extraordinaire. Rien donc que de très classique dans la résurgence du thème de l’enfant-sauveur. A une différence près cependant, et elle est essentielle : c’est quand ils sont adultes, et pour avoir acquis une certaine expérience, que Jésus, Moïse... parviennent à accomplir leur tâche. Or plus question, dans les romans contemporains pour la jeunesse, d’attendre l’âge adulte : c’est en tant qu’enfants – mais également parce qu’ils sont enfants – que Harry Potter et d’autres jeunes héros sont appelés à sauver le monde. Pourquoi ? Quelles qualités, quelles vertus magiques a donc l’enfant, et que n’aurait plus l’adulte, pour que nous lui confiions, par le biais de ces livres, la tâche immense de nous protéger ? Simple flatterie envers une génération dont on envie la dynamique jeunesse ? Ou bien dépit ? Dépit devant un monde adulte envers lequel on n’a plus que méfiance et qu’on juge incapable de générosité et d’altruisme ?

7.

The theme of the saviour is an ancient one (the best-known saviour in our culture, Jesus, was destined to the role from birth). So the appearance of a child born to be a saviour in these stories is expected. However there is an important difference from archaic saviours, for it was only when they arrived at adulthood and acquired experience that Jesus - and Moses, and others - were able to fulfil their tasks. In these modern myths there is no question of the child needing to reach adulthood : it is as a child, and precisely because they are children, that Harry Potter and other young heroes are called on to save the world. Why ? What special qualities, what magic virtues does a child have that an adult does not, for us to entrust them, when reading these novels, watching these films, with the huge task of protecting us ? Is this just flattering the young because we envy their dynamism ? Or do we have a low opinion of the adult world because we think that it is incapable of generosity and altruism ?

8.

Sans doute le choix d’un enfant comme héros est-il aussi le témoignage indirect de l’impression, éprouvée par bon nombre d’adultes, que la lutte contre les maux qui rongent la planète dépasse la volonté d’un Etat et, a fortiori, celle des individus. Plus que jamais, face à la taille imposante des fléaux qui s’accumulent sur nos écrans, nous nous sentons comme des enfants devant le monde des adultes : impressionnés parfois, effrayés souvent, dominés toujours. En nous montrant, qui un Hobbit, humble, peureux et sans beaucoup d’envergure, triomphant de l’immense puissance de Sauron, souverain doté de forces obscures et maléfiques ; qui un petit orphelin combattant avec détermination Voldemort, dictateur malfaisant, ces romans nous permettent de lire ce que nous désespérons de voir dans la réalité : le combat de David contre Goliath, ou notre petitesse triomphant des géants.

8.

I imagine that the choice of a child as a hero can be partly explained by the sense shared by a many adults that the fight against the ills of the world is beyond the power of governments, and even more beyond the power of individuals, to affect. Faced with disaster and war on our televisions we feel the way that children feel when confronted with adults : sometimes upset, often frightened, and always dominated. These stories, showing us that a humble, fearful hobbit of no particular qualities can triumph over the huge power of Sauron, sovereign ruler of dark forces, or that a young orphan boy can take on the evil dictator Voldemort, give us something we despair of ever seeing in the real world : David fighting Goliath, smallness triumphing over giants.

9.

Cette analyse est-elle suffisante pour expliquer l’immense succès de Harry Potter ou du Seigneur des anneaux ? Y aurait-il entre ces deux histoires d’autres points communs pouvant expliquer la simultanéité de leur succès ?

9.

Is this enough to explain the huge success of Harry Potter and The Lord Of The Rings ? Or do the stories have other shared elements ?

10.

Le Seigneur des anneaux décrit une guerre mondiale, un combat mené par une coalition politique contre Sauron, dictateur à la cruauté impitoyable, sur le point de lancer ses armées à la conquête de la planète. Il expose les trahisons des uns, les lâchetés des autres. Il raconte également le courage et la détermination de quelques-uns en dépit de la menace que font peser sur eux les cavaliers servants de Sauron, êtres décharnés et pourtant vivants encore, dont la vision évoque celle de Mordor, le pays du Mal, parsemé de ce qui ressemble bien à des camps de la mort. Et, même si Tolkien s’en est défendu avec acharnement, il est difficile de ne pas voir quelques allusions à la seconde guerre mondiale, par exemple dans le nom de Nazgul , donné aux terribles serviteurs de Sauron, qui oscille entre « nazi » et une sonorité plus orientale.

10.

The Lord Of The Rings describes a world war in which a political coalition comes together to fight Sauron, a ruthless dictator who is about to launch his armies on the conquest of the planet. It exposes the betrayals of some and the cowardliness of others, and tells of courage and determination despite the threat from Sauron’s horse-riding wraiths, who are soulless and fleshless but nonetheless living beings. It tells of Mordor, the land of evil, which has a landscape dotted with places reminiscent of death camps. Although Tolkien vehemently denied the idea, it is hard to avoid seeing references to the second world war - for example in the name of Sauron’s terrible henchmen, Nazgul, which sounds like a cross between Nazi and something vaguely eastern.

11.

Harry Potter tire également sa matière du traumatisme de la seconde guerre mondiale : si le jeune Harry est orphelin, la faute en est à un dictateur qui, en assassinant ses parents, s’est débarrassé de ses principaux opposants, de ceux-là mêmes qui, en dépit de la terreur qu’il faisait régner, eurent le courage de résister. Mû par une haine raciste contre les « Sang de bourbe » , entendant par là ceux qui n’ont pas du pur sang « sorcier » dans les veines, Voldemort promet, dès qu’il parviendra au pouvoir, leur extermination totale. L’allusion au nazisme, sans être totalement explicite, puisque nombre de lecteurs de Harry Potter ne l’ont pas perçue, est réelle, ne serait-ce qu’à travers les initiales (SS) de Salazar Serpentard, père spirituel du tyran.

11.

The saga of Harry Potter also draws on the horrors of that war. Harry is an orphan, we are told, because a dictator murdered his parents to rid himself of his leading opponents, those people who had the courage to resist his reign of terror. Voldemort, who is moved by a racist hatred against Mudbloods (people not of pure wizard blood), promises that when he comes to power he will exterminate them. There is an allusion to Nazism here - not explicit, apparently unnoticed by the readers - which we can see not least in the SS initials of the name of Voldemort’s spiritual father, Salazar Slytherin.

12.

Le roman de Joanne Kathleen Rowling raconte ainsi comment, après avoir été réduit à presque rien grâce au courage de quelques-uns, Voldemort reprend peu à peu du poil de la bête et parvient progressivement à rassembler autour de lui un groupe de partisans. A la fin du quatrième tome, dernier paru, la confrontation est imminente entre le Bien – incarné par Dumbledore, protecteur de Harry Potter, mû par des valeurs démocratiques et humanistes, parmi lesquelles le refus de la peine de mort, une grande méfiance envers les méthodes trop répressives, une volonté de promouvoir la culture et l’éducation – et le Mal, incarné par Voldemort.

12.

[Paragraphe non traduit]

13.

L’histoire de la seconde guerre mondiale a donné raison aux interprétations manichéennes du monde : il y eut bien alors, sous la dictature d’Adolf Hitler, d’un côté le Mal, la haine et une volonté de destruction, et, de l’autre côté, le Bien, le courage et les valeurs morales. Grand traumatisme du XXe siècle, la barbarie nazie fut cette réalité incompréhensible qu’on ne cesse d’interroger. Paul Ricoeur dit que la fonction principale de l’imaginaire, c’est d’explorer la vie, de la retourner dans tous les sens afin d’essayer de la comprendre. C’est ce que font des romans comme Harry Potter ou Le Seigneur des anneaux. Ils nous proposent un modèle réduit de l’univers, le mettant par là même à la portée de notre compréhension.

13.

The second world war does inspire a very black and white view of history. Under Hitler there really was on one side, evil, hatred and a desire to destroy, and on the other good, courage and moral values. The barbarity of Nazism, the great trauma of the 20th century, was in many ways beyond understanding and remains a source of many questions. Paul Ricoeur says that the main function of the imaginary is to explain life, to turn it over in every direction as a way of trying to understand it. That is what happens in novels like the Harry Potter series and The Lord Of The Rings. They offer us a model of the universe in miniature, and bring it within reach of comprehension.

14.

Quant à notre plaisir de lecteur adulte, il ne provient pas uniquement d’une régression ; il ne s’agirait pas simplement de lire la répétition de notre enfance ni la sortie de l’enfance. Il s’agirait de se projeter dans un avenir menaçant pour le maîtriser ou, mieux, l’exorciser. C’est la fonction que Claude Lévi-Strauss donne aux modèles réduits : « Plus petite, la totalité de l’objet apparaît moins redoutable ; du fait d’être quantitativement diminuée, elle nous semble qualitativement simplifiée. A travers la miniature, la réalité peut être saisie, soupesée dans la main, appréhendée d’un seul coup d’oeil. » Pouvoir ainsi assujettir le monde, le saisir et le circonscrire, pouvoir le rendre moins redoutable par sa miniaturisation, telles seraient donc quelques-unes des vertus de ces livres qui, comme Harry Potter ou Le Seigneur des anneaux, construisent un univers et enserrent la vie à l’intérieur d’un seul objet.

14.

As for the pleasure that we get out of the books as adults, it’s not a question of regression, not just reliving our childhoods. Rather we are projecting ourselves into a threatening future in order to master it, to exercise it. That is the function that Claude Lévi-Strauss assigns to small-scale models : “When it is smaller, the totality of the object appears less frightening ; having been quantitatively diminished, it seems to us qualitatively simplified. By means of the miniature, reality can be grasped, weighed in the hand, apprehended in a single glance”. This allows us to get a grip on the world, grasping it and putting limits on it, making it less scary by miniaturising it. These are some of the virtues of books that construct a universe and enclose life within the confines of a single object.

15.

L’ouvrage de Joanne Kathleen Rowling est d’autant plus rassurant qu’il parvient, du fait de son inachèvement même, à s’introduire dans le réel. Alors que les autres livres sont, une fois publiés, achevés, clos sur eux-mêmes, et de ce fait ne participent pas de la réalité temporelle, le roman de Rowling, en revanche, dans la mesure où il contient une grande part d’incertitude quant à la suite, s’ancre très fortement dans le présent. Parce qu’il ignore la fin des Aventures de Harry Potter , le lecteur est en effet confronté à l’inachèvement et aux incertitudes qui d’ordinaire sont ceux du réel et non de la fiction. Notamment toutes les interrogations liées aux forces sur lesquelles Voldemort d’un côté, Dumbledore de l’autre pourront compter si la guerre est déclarée sont identiques aux incertitudes liées à notre avenir même.

15.

The JK Rowling series is the more reassuring because its unfinished quality keeps the books in the realm of the real. When most books are published they emerge as finished objects, already complete, which means that they exist beyond time. Rowling’s novels are firmly anchored in the present because of the uncertainty about what is going to happen next. Since nobody knows how the adventures of Harry Potter are going to end, readers are confronted with the unfinished nature and uncertainties that characterise real life, not fiction. The uncertainties about what forces Voldemort and his good opponent Dumbledore will be able to muster if war is declared - these chime well with our current realities.

16.

Mais, alors que, dans la vie, nous n’avons pas connaissance de ce qui nous attend, en revanche, en ce qui concerne la suite des aventures de Harry, nous savons au moins une chose, et elle est essentielle : le jeune garçon s’en sortira ; le Bien l’emportera sur le Mal. Il serait en effet inimaginable que l’auteur achève Les Aventures de Harry Potter sur un Voldemort triomphant de Harry et de ses partisans. De là sans doute une partie du succès : l’inachèvement du roman, les interrogations et les attentes qu’il suscite créent un espace limite entre le fictif et le vécu et parviennent presque à faire entrer la fiction dans le réel, donnant ainsi l’illusion que, comme dans le livre de Rowling, dans la réalité également, un auteur tout-puissant domine sa création et que rien d’irréversible ne peut nous arriver, malgré toutes les menaces de déchaînement du Mal...

16.

But while in life we never know what is round the corner, with Harry Potter we can be sure the boy will succeed. Good will get the better of evil. It would be inconceivable for Rowling to end the adventures with Voldemort triumphing over Harry and his friends. And this explains some of the success : the unfinished story, the questions and the expectations that they generate, create a border space between the fictional and the lived, almost bring fiction into the realm of the real. This gives the illusion that, as in the books, so in reality, an all-powerful author controls creation, and nothing irreversible can happen to us, despite the threats of evil about to descend on us.

17.

Allons plus loin : le succès de ces deux romans auprès des adultes ne correspondrait-il pas, en dernière analyse, à un puissant besoin de se rassurer sur les rapports de forces en jeu dans le monde géopolitique actuel ? Harry Potter comme Le Seigneur des anneaux donneraient-ils une réponse claire, mais ô combien réductrice, à une des angoisses majeures de la période actuelle : est-il vrai qu’il y a dans le monde un combat du Bien contre le Mal, comme l’affirme, par exemple, le président George W. Bush ? Ou bien ne faut-il pas penser qu’il y a des cultures et des sociétés différentes qui, chacune à sa manière, génèrent leur part de cruautés, d’injustices et de violences ?

17.

We could take this further. Is it possible that in the final instance the success of the myths among adults corresponds to a powerful need to reassure ourselves about the forces in play in the world ? Do Harry Potter and The Lord Of The Rings give a clear - albeit highly reductive - answer to a big modern question : is it true, as George Bush would have it, that we are in the midst of a battle between good and evil ? Or should we think that there are different cultures and societies which, each in their own way, generate their own brands of cruelty, injustice and violence ?

18.

Alors que nous savons tous combien les guerres causent de ravages, tout en sachant aussi, inversement, combien il peut être dangereux de réagir trop tard à la montée d’un conflit mondial, rares sont les personnes qui se sentent capables d’éluder ces questions ; rares également sont ceux qui peuvent répondre en toute quiétude et conscience qu’une partie de la planète aurait concentré en elle le Bien, la Vertu et la Morale.

18.

We all know the devastation that war can cause. But we also know that it can be dangerous to react too late to the threat of world conflict. So most people know that they can’t avoid these questions, but at the same time they would be hard put to say that a particular part of the world had a monopoly of good, virtue and morality.

19.

De la sorte, en plébiscitant tous les romans qui, encore et encore, font revivre l’histoire du nazisme, les lecteurs ne chercheraient-ils pas à se persuader, bien inconsciemment, il est vrai, que le schéma qui présida au combat contre l’Allemagne hitlérienne est un schéma encore pertinent ? Et en nous présentant des personnages maléfiques qui incarnent le Mal, romans et films à succès n’arrivent-ils pas à point nommé pour rassurer et déculpabiliser ? Permettant de croire qu’une des forces en présence s’est vouée au Mal et à la destruction, ils peuvent donner bonne conscience à ceux qui, d’un côté comme de l’autre, annoncent le « choc des civilisations ».

19.

As the world buys and reads these books, watches these films, which repeatedly seek to relive the history of Nazism, might we not wonder whether readers are trying unconsciously to persuade themselves that the moral schema behind the war against Hitler’s Germany is still pertinent ? And in presenting us with wicked characters that are the incarnation of evil, aren’t such films and novels designed to smooth our moral dilemmas and remove our guilt ? In persuading us that one force in the field is intent on evil and destruction, they may provide justification for those in both camps who present conflict as a clash of civilisations.

20.

Bref, il y a quelque chose d’inquiétant dans la fascination qu’exercent ces ouvrages, comme si l’éventualité d’une guerre était déjà acquise, et comme si nous en étions déjà arrivés à l’étape qui précède de peu le départ au combat ; à cette dernière étape avant la décision où nous avons besoin de nous persuader que le combat à mener est bien celui de la morale et de l’humanisme contre les forces du Mal. Ainsi, les succès de ces romans seraient-ils les premiers signes que nous avons accepté l’éventualité de la guerre et qu’il ne nous reste plus qu’à nous persuader de son bien-fondé.

20.

There is something disturbing about the public fascination with these stories, as if we already take conflict for granted, as if we already have arrived at embarcation for a war, a stage before the final decision where we have to persuade ourselves that the coming fight is really all about the values of humanism and morality against the forces of evil. Are these myths successful because we have already accepted the eventuality of war, and only need persuade ourselves that its reasons are justified ?

21.

Car, pour accepter non seulement de partir à la guerre, mais également d’envoyer nos enfants au front, il est sans doute indispensable de parvenir à penser que certaines forces peuvent incarner un Mal absolu, qu’il nous faut, coûte que coûte, combattre. Sans que rien surgisse à la clarté de la conscience, à n’en pas douter les aventures de Frodon le Hobbit ou de Harry le sorcier nous aident à nous en persuader.

21.

Because not only to accept war, but to send our children to the front, it is necessary to believe that certain forces can embody an absolute evil to be fought whatever the cost. The process is not entirely conscious, and perhaps the adventures of Frodo the hobbit and Harry the wizard persuade us in this direction.

22.

Peut-être alors avons-nous répondu à notre question initiale : pourquoi donc la tâche de partir au combat est-elle confiée aux enfants Harry Potter ou Frodon ?... Soudain des phrases gravées sur les monuments aux morts se bousculent dans nos mémoires : « A nos enfants , morts pour la France. » « Allons enfants de la patrie. »

22.

So why is the task of going off to fight entrusted to children - to Harry and Frodo ? Suddenly the phrases engraved on so many war memorials come to mind : “To our children, who died for France” ; “Allons, enfants de la patrie”.

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