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Discriminations légales


Life without rights

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Le Monde Diplomatique – avril 2003 – page 7

1.

Le Monde diplomatique - April 2003

2.

VOYAGE AU PAYS DES HOMMES INVISIBLES

2.

IMMIGRANT SEASONAL LABOURERS EXPLOITED AND ATTACKED

3.

Discriminations légales

3.

Life without rights

4.

Par PATRICK HERMAN , journaliste.

4.

By PATRICK HERMAN (Translated by Gulliver Cragg)

5.

On les appelle les « OMI », en particulier dans les Bouches-du-Rhône, où l’agriculture recourt à une main-d’oeuvre étrangère depuis des décennies et qui comptabilisent la moitié de ces quelque 10 403 contrats très particuliers existant en France en 2001. OMI ? Rien à voir bien sûr avec Omerta, Misère, Injustice... mais, tout simplement, Office des migrations internationales, auquel l’employeur désireux d’embaucher un saisonnier à l’étranger doit s’adresser, après avoir sollicité une autorisation auprès de la direction départementale du travail et de l’emploi (DDTE).

5.

THE “exceptional contracts” are known as OMI, especially in the département of Bouches-du-Rhône : its agricultural sector accounted for half of the 10,403 such contracts issued in France in 2001. OMI stands for Office des Migrations Internationales, though “Omertà, Misery and Injustice” might be more appropriate. This is the office that French employers seeking seasonal workers abroad have to go through, after requesting permission from the departmental directorate of work and employment.

6.

Le producteur, de fruits et légumes le plus souvent, aura auparavant déposé une offre d’embauche à l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) afin de vérifier qu’elle reste bien sans réponse. Puis - pouvoir discrétionnaire lourd de conséquences -, il désigne nominativement celui qu’il entend faire entrer en France. Muni d’un contrat de six mois, prolongeable deux mois, le travailleur a ensuite dix jours pour retourner dans son pays, Maroc, Tunisie ou Pologne, seuls pays avec lesquels la France a contracté des couvertures bilatérales (1).

6.

The employer, usually a fruit and vegetable producer, will already have offered the work at a nearby employment office to check that no local is interested. Then, using a discretionary power with many repercussions, he or she chooses workers to bring to France. The workers are given a six-month contract with an optional two-month extension, after which they have 10 days to get back to Morocco, Tunisia or Poland, the countries covered by these bilateral arrangements.

7.

Présent à La Crau (Var) depuis quinze ans, M. Denis Natanélic (2) brosse un rapide historique de ces contrats : « Leur nombre n’a fait que croître jusqu’en 1981. Après l’élection de François Mitterrand, beaucoup de ces saisonniers ont obtenu une carte de séjour et basculé sur un autre projet de vie. Ils ont trouvé un logement et fait venir leur famille. Moins disponibles pour le patron, vivant sous le regard de leurs proches, ils n’étaient plus prêts à tout accepter. Alors ils se sont souvent retrouvés licenciés, chômeurs ou Rmistes... »

7.

After 15 years in La Crau (Var départemente), Denis Natanélic, organiser for Mafadji-Pays d’Arles, can tell you all about it : “Their numbers kept on growing until 1981. After François Mitterrand was elected, many seasonal workers got a residence permit and made plans. They found homes and brought their families over. Under the gaze of their loved ones and not always on hand for the boss, they were no longer prepared to take so much mistreatment. So often they were laid off and ended up on the dole.”

8.

C’est ainsi que les résidents permanents allaient être remplacés par les contrats OMI. « En 1995 , poursuit-il, montée du chômage oblige, un accord-cadre imposé par l’Etat n’autorise plus que le renouvellement des contrats OMI déjà existants. Leur nombre tombe de 3 420 en 1998 à 2 858 en 2000 (3). »

8.

The permanent residents were replaced by OMIs. Natanélic says : “In 1995 because of rising unemployment, the state imposed a rule which permitted only the renewal of OMI contracts already in existence. Their number fell from 3,420 in 1998 to 2,858 in 2000”.

9.

C’était compter sans la pression du lobby des employeurs, orchestrée par la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA). En 2001, l’Etat recule, l’accord de 1995 passe à la trappe et les primo-contrats explosent à nouveau : 1 500 seront signés, certains agriculteurs en profitant pour se débarrasser de salariés usés par le travail.

9.

They hadn’t reckoned on the pressure the employers’ lobby would exert, through the departmental federation of agricultural producers’ unions. In 2001 the 1995 agreement was shelved and the original contracts proliferated : 1,500 were signed, with some employers taking the opportunity to get rid of employees worn out by their work.

10.

Véritables « contrats à durée déterminée au rabais », comme les qualifie la charte du Collectif de défense des travailleurs étrangers dans l’agriculture (4), les contrats OMI relèguent le travailleur dans une zone de sous-droit : pas de prime de précarité, pas de priorité de réembauche, voilà pour le droit du travail. Pas de protection sociale annuelle puisque toute couverture sociale disparaît dès la fin du contrat, aucun droit au chômage ou au RMI bien qu’ils aient cotisé aux Assedic, difficulté pour obtenir la retraite si on a été renvoyé au pays : voilà pour le droit social. Quant au droit au séjour, il s’agit bien d’une coquille vide : ni regroupement familial, puisque l’année de résidence n’est jamais complète, ni obtention d’une carte de séjour puisque la présence en France n’est pas continue...

10.

Real “low-budget limited contracts”, as the charter of the Collective for the Defence of Foreign Workers in Agriculture calls them, OMI contracts place the worker outside the law : there is no insecurity bonus, no priority re-employment - no workers’ rights at all. There is no annual social security protection, since cover expires with the contract ; no right to unemployment benefit, even though they will have contributed to the unemployment benefits office. It is hard to draw a pension in France when you’ve been expelled from the country - so no social rights either. As for the right to remain, this is hollow : the family reunion law (which allows for the immediate family of an immigrant to join them in France after a year) does not apply because residence is not for a whole year, while a residence permit can only be obtained with uninterrupted presence in France.

11.

A ces discriminations légalisées s’ajoutent, chez certains employeurs, des pratiques illégales : obligation pour le candidat (au premier contrat ou lors de son renouvellement) de payer une sorte d’« impôt clandestin » qui peut aller jusqu’à 7 600 euros (pour être sur la liste) ; non-respect des conventions collectives et de conditions de logement décentes. Le chantage au non-renouvellement du contrat est la clef de voûte de ce système. Devenus de véritables sous-traitants d’une grande distribution qui les étrangle par le biais des centrales d’achat, certains agriculteurs agissent ainsi sur la seule variable d’ajustement à leur portée, le coût de la main-d’oeuvre, en surexploitant cette dernière. Quant aux pouvoirs publics, ils couvrent cette forme d’esclavage légalisé.

11.

To this legalised discrimination must be added, in certain cases, employers’ illegal practices : the candidate (at the first contract or when it is renewed) is obliged to pay a hidden tax of up to $7,700 to be on the list at all. Collective conventions are not respected and nor is any right to decent living conditions. Blackmail over contract renewals is the basis of the system. Having effectively become subcontractors in the large-scale distribution industry, some farmers use blackmail to control the only adjustment variable that remains within their reach : their labour costs. Labourers are ever more exploited. The authorities cover up this legalised slavery.

12.

Survivance archaïque ? Voire... A l’heure du libéralisme pur et dur, ces « contrats OMI » pourraient servir de modèles pour l’Europe entière dans l’agriculture, mais aussi dans le bâtiment, la restauration, la confection...

12.

Left over from the past, or the beginning of the future ? In this economic age, OMI contracts could be models for farming across Europe, and also for construction, hospitality, and the rag trade.

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