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Pierre Jourde, Ce qui tue l’Université française


France’s degree factories

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1.

LE MONDE DIPLOMATIQUE - septembre 2003 - Pages 4 et 5

1.

Le Monde diplomatique - September 2003

2.

Ce qui tue l’Université française

2.

France’s degree factories

3.

Par Pierre Jourde

3.

by PIERRE JOURDE (lecturer at Université Stendhal, Grenoble)

4.

L’université française est morte. Morte en tant qu’université, c’est-à-dire communauté scientifique où la recherche s’associe à un enseignement spécialisé de haut niveau. Il reste quelques établissements pédagogiques post-baccalauréat. Mais l’université a été tuée par la médiocrité.

4.

THE French university system is dead. It has ceased to exist as a scientific community in which research goes hand in hand with high-grade specialist teaching. There are still some establishments teaching post-baccalauréat students, but mediocrity has killed France’s universities, in the real meaning of the word university.

5.

Postes « secondarisés » - On se figure que l’université recrute les meilleurs professeurs. C’était vrai, ce l’est de moins en moins. La spécialisation disparaît au profit de postes pédagogiques ou didactiques. En ce domaine, l’année 2003 fera date : en lettres, aucun poste de maître de conférences en littérature du XIXe siècle n’a été proposé, parmi un déferlement de postes de « technique d’expression ». En clair : l’université n’est qu’une sorte de lycée où il faut s’efforcer d’apprendre aux étudiants à construire une phrase. Quantité d’enseignements pour lesquels on ne dispose pas d’un universitaire en titre sont confiés à des vacataires empruntés aux lycées. Ou bien on recrute des professeurs agrégés (PRAG), soutiers de l’université devant assurer le double d’heures pour le même salaire, écrasés de travail et qui n’ont pas le temps de se consacrer à la recherche.

5.

Appointments - It is generally assumed that French universities recruit the best teachers. This used to be so, but increasingly is less common. Experts in pedagogy and didactics are replacing real specialists. In 2003 not one post for lecturers in 19th century French literature was advertised, but there was a flood of jobs to teach “writing skills”. Universities have degenerated into secondary schools that attempt to teach students how to put together a sentence. In the absence of permanent lecturers, temporary staff borrowed from secondary education teach many courses. Universities are recruiting staff who have passed the aggrégation (the top qualification for school teachers). They work twice as many hours as faculty members and have no time for research.

6.

Lorsqu’un vrai poste est proposé au concours, le « localisme » galopant fait en sorte qu’il soit attribué, non au plus méritant, mais à celui qui est déjà sur place et qu’on a prévu à l’avance d’y installer. Les concours tendent à devenir de faux concours. Des candidats envoient des dossiers volumineux, traversent la France entière, pleins d’espoir et d’angoisse, pour faire de la figuration démocratique dans un spectacle où tout est déjà réglé. L’intitulé du poste correspond très précisément à la thèse du candidat local. Un président d’université électronicien s’introduit dans une commission de littérature pour faire élire le candidat local. Un conseil d’administration casse l’élection d’un candidat qui n’est pas local. On fait élire sa femme, son fils, son beau-frère, le fils du pharmacien du centre-ville, qu’importe la qualité de son dossier : surtout pas le meilleur, si on ne le connaît pas.

6.

When there is a competition for a real job, local favouritism ensures that it goes, not to the best-qualified candidate, but to one already on the spot who was unofficially selected at the outset. Competitions are hardly a fair selection process : applicants send bulky files and travel all over France but only to take part in a show of democracy. The job definition will correspond exactly to the area of study in which the local applicant specialises. We have seen the head of an engineering school wangle his way on to the interview panel of a school of literature to make sure that a local man was selected. In another case a university board of governors cancelled an appointment because the successful candidate was an outsider. It would be better to select a wife, son, or brother-in-law, or even the son of a local shopkeeper since the quality of their credentials matters little. It would be a mistake to take the best applicant if he or she is an unknown quantity.

7.

La réforme Allègre a facilité cette évolution. Tous les professeurs étaient autrefois membres de droit des commissions de recrutement, système simple, efficace et qui limitait les risques de fermeture. L’Education nationale a le génie de la complication. A présent ces commissions sont élues sur listes, ce qui les réduit beaucoup et facilite la mainmise de quelques-uns sur les recrutements. Le projet de décentralisation ne fera qu’aggraver les choses.

7.

The reforms under the last socialist government worsened this trend. Previously, all university teachers were entitled to sit on interview panels. This simple, effective system limited the risk of local favouritism. But the French education system loves to complicate matters. The members of interview panels must now be elected, which restricts their membership and makes it easier for influential individuals to control the selection process. If plans to devolve decision-making in higher education go through, the situation will be even worse.

8.

Pauvreté des locaux - Quiconque a fréquenté les universités italiennes ou anglaises peut mesurer à quel point, en France, étudiants et professeurs vivent, pour la plupart, dans la laideur quotidienne. Bunkers hideux, vétustes, grisâtres ; salles de cours et bureaux en nombre insuffisant et toujours bondés ; bibliothèques miséreuses ; campus sinistres, crasseux, ressemblant à des cités de banlieue, éloignés des centres-villes, sans vie en dehors des cours. L’urgence, paraît-il, est de s’aligner sur l’Europe dans l’organisation des études. Et si l’on imitait l’Europe pour la qualité des locaux universitaires ?

8.

Premises - Anyone who has seen the inside of a British or Italian university will appreciate the ugliness of their French equivalent. The buildings are hideous, antiquated, concrete blocks, with inadequate classrooms and offices and decrepit libraries. The campuses are sinister, like run-down housing estates, far from city centres and deserted outside teaching hours. The priority in France is to bring the organisation of study in line with European practice. It is time to do the same for the quality of premises.

9.

Mesquinerie financière - Le colloque représente un élément important de la vie universitaire et de la diffusion des savoirs. Mais il n’y a plus d’argent pour cela. L’organisation de ces manifestations et la publication des actes sont devenues, pour les professeurs qui s’en chargent, une épuisante chasse aux crédits, un exercice de remplissage de kilogrammes de dossiers. Les collectivités locales accordent encore quelques subventions, à condition que le sujet soit local. Quiconque voudrait organiser une manifestation internationale sur un sujet international dans une université de province devrait avoir beaucoup d’imagination et d’espoir. S’il y parvient, il se résoudra à recevoir les congressistes soit au camping, soit dans des hôtels borgnes. Il devra, en outre, réclamer des droits d’inscription à ses invités, qui devront donc payer pour travailler. Le règlement prévoit de loger (petit déjeuner compris) un conférencier pour un maximum de 38 euros et de le nourrir sans dépasser 15 euros. Pour le moindre déplacement, lorsqu’il s’agit de participer à un jury de thèse ou à une commission, il faut remplir des documents aussi variés que nombreux, attendre des semaines, parfois des mois, le remboursement. Certains, de guerre lasse, renoncent.

9.

Penny-pinching policies - Conferences are important to university life and the dissemination of knowledge. But funds for them are no longer available. For the teaching staff, organising such events and publishing the proceedings has become an exhausting hunt for grants, with much form-filling. Local authorities subsidise conferences, providing the topic is local. But to attempt to organise an international event on a topic of global interest in a provincial university requires imagination and enthusiasm. Even if the organisers succeed in finding the funds, they will have to accommodate guest speakers at a campsite or a cheap hotel. Guests will have to pay their own certification fees - to pay to work. University regulations allow no more than $35 a night for a speaker’s accommodation (including breakfast), with $15 for meals. To obtain refunds for travel expenses to sit on a thesis panel or a committee involves massive paperwork - all those forms - and a long wait.

10.

Réformes ininterrompues - L’université ressemble à une maison dont le chantier n’en finirait jamais. Tous les ans, ou tous les deux ans, on refait tout, on arrache la moquette, on abat une cloison, on rajoute une tourelle ici, une annexe là, un étage ailleurs, de telle sorte qu’au lieu d’obtenir un bâtiment fonctionnel et habitable, on vit dans un machin improbable, toujours en voie d’effondrement, on titube dans les gravats.

10.

Uninterrupted reforms - French universities are a permanent building site. They are completely refurbished every year or two, carpets ripped up, partitions knocked down, annexes added, perhaps another floor. Instead of a functional, habitable structure the result is a pile on the verge of collapse.

11.

Chaque ministre, chaque conseiller de ministre ajoute une disposition, invente une commission supplémentaire, imagine sa petite réforme, avec, à chaque fois, d’innombrables réunions, assemblées, circulaires, rapports, comptes-rendus, évaluations, interprétations et gloses des textes sacrés mais amphigouriques publiés au Journal officiel. Une fois que c’est fini, on défait tout et on recommence. A peine a-t-on eu le temps de comprendre une réforme qu’on en est déjà à la suivante, dans une incessante et monstrueuse dépense d’énergie.

11.

Each new minister and adviser invents another committee or thinks up a minor reform. Each new measure involves meetings, circulars, reports, expert appraisals and finally the publication of another official text. Once completed, the whole process starts again. There is barely time to understand the latest reform before the next one starts to take shape - an absurd waste of energy.

12.

Bureaucratisation - Etre universitaire, c’est désormais, avant tout, être un bureaucrate. L’administration centrale est obsédée par le contrôle et par l’invention de nouvelles structures. L’organisation des études, des examens, de la notation est devenue, à force de byzantinisme et de contorsions, tellement embrouillée que les étudiants n’y comprennent plus rien et que les enseignants aussi peinent parfois à s’y retrouver. On en arrive à ce paradoxe que, sous prétexte de faciliter les études, on les a rendues opaques. Les moyens se sont ainsi presque complètement substitués aux fins.

12.

Rampant bureaucracy - Being an academic in France means being a bureaucrat. The central administrative department is obsessed with inventing and controlling new bodies. The organisation of study, exams and assessment has become so complicated that students can no longer understand it, and even the teaching staff are often at a loss. Though the aim is to facilitate study, the system has become impenetrable. The means have almost completely obscured the ends.

13.

La mise aux normes européennes justifie à présent toutes les réformes. Mais on ne touche pas à la particularité du système français avec un triple enseignement supérieur : l’université, les grandes écoles, l’institut universitaire de formation des maîtres (IUFM). Les grandes écoles permettent aux élites de fuir la médiocrité universitaire ; les IUFM, chargés de former les futurs enseignants du primaire et du secondaire, caricaturent les défauts de l’université : ils sont devenus d’énormes et ruineuses usines bureaucratiques, où l’essentiel de l’énergie se perd en réunions, dossiers et rapports, où les étudiants se plaignent régulièrement (mais en vain) de subir des enseignements trop souvent ineptes, démagogiques et dépourvus d’utilité réelle.

13.

The drive to bring French universities in line with European standards is the reason for the present reforms. But no attempt is being made to change France’s peculiar three-tier higher education system, with its universities, grandes écoles and teacher training colleges (IUFM). The grandes écoles give the most gifted pupils a way of escaping the mediocrity of university. The recently established IUFMs, which train primary and secondary school teachers, are a caricature of the shortcomings of the university system. They have become huge bureaucratic factories where most of the available energy is wasted on meetings and reports. The students regularly complain to no avail that teaching is inept and out of touch with the reality of the classroom.

14.

Charge de travail accrue - Depuis 1981, où l’on a augmenté d’un coup les charges d’enseignement de 50 %, les universitaires ont supporté sans broncher le déferlement des réformes, la démultiplication du nombre des élèves, la lente dégradation de leurs conditions de travail. Désormais, dans la plupart des cas, un universitaire doit enseigner, préparer les cours, corriger les copies, recevoir les étudiants, participer aux jurys de fin de semestre, à des réunions de toutes sortes, s’informer sur la nouvelle réforme en cours et tenter de l’appliquer, participer à des commissions de spécialistes (rapports, dossiers, réunions), à diverses commissions nationales (idem), diriger des thèses ou des maîtrises (parfois par dizaines), participer à leurs jurys, remplir des procès-verbaux, des rapports, des dossiers sur tout et n’importe quoi, assumer des tâches administratives (direction d’année, de département, d’unité de formation et de recherche (UFR), d’université, de conseils scientifiques ou d’administration, de conseils des études et de la vie universitaire), expertiser des examens et des dossiers, présider des jurys de baccalauréat, diriger des centres de recherche, des revues, des collections (donc examiner des manuscrits), assister à des séminaires et à des colloques, à moins qu’il ne les organise, et, tout de même, s’il lui reste un peu de temps, être un chercheur, c’est-à-dire aller en bibliothèque, écrire des ouvrages ou des articles.

14.

Increased workload - University teachers have seen their workload increase by 50% since 1981, while coping with reforms, a rise in the number of students and a slow deterioration of working conditions. Most academics nowadays teach, prepare classes, correct papers, listen to students, and sit on assessment panels at the end of each term. They also attend meetings, keep abreast of the latest reforms and try to apply them, while taking part in specialist committees (more files and reports), some at a national level. They supervise dissertations and theses (sometimes several dozen) and do all the paperwork. They must also discharge administrative duties, notably heading departments or research units. They may be called upon to provide expert appraisals of exams or applications, chair secondary school examination boards, or oversee publications. They attend or even organise seminars and conferences. And if they have any time left they are supposed to continue their research, spending time in libraries and writing books or articles.

15.

Il se trouve souvent placé devant deux possibilités : soit il renonce à toute recherche pour se consacrer à l’enseignement et à la bureaucratie, soit il fait une croix sur sa vie personnelle.

15.

To leave enough time for teaching and paperwork they must either give up research or abandon all hope of a private life.

16.

Le système ne conçoit plus qu’un professeur du second degré ou un universitaire ait du temps. Il ne conçoit même plus cet ingrédient nécessaire de la réflexion qu’est la liberté. Un chercheur ne peut plus chercher seul, ou avec des collègues choisis, il doit s’intégrer dans des équipes (autres petites machines administratives) et leurs programmes de recherche, ou mourir. S’il est normal d’offrir la possibilité de participer à une équipe, on conçoit l’absurdité d’en faire une obligation. Rien de tel pour tuer radicalement toute velléité d’originalité.

16.

The present system makes no provision for any spare time for university or secondary school teachers. Yet this basic freedom is essential to thought. It is no longer possible for researchers to work alone or with colleagues of their own choosing. They must join a team (another administrative machine) with a research programme. This option should be available, but it is absurd for it to be compulsory - it is a sure recipe for the destruction of originality.

17.

Or, faute de temps libre à consacrer à la réflexion et au travail à long terme, faute de liberté tout court, il y a une catégorie de la société française qui est en train de disparaître : l’intellectuel. Qui pourra faire ce que l’administration n’a pas prévu et planifié qu’il fasse ? Qui pourra encore se consacrer à l’écriture d’un grand roman, d’un essai important ? La prolifération bureaucratique est en train de remplacer l’intellectuel ou le créateur par le pédagogue ou le fonctionnaire. Nous aurons la vie culturelle que les réformes de l’enseignement nous auront préparée.

17.

With the lack of free time for thought and long-term work - a lack of freedom - France is losing its intellectuals. Who will be able to do the work for which the administrators do not provide ? Who will have the time to write a major novel or an important essay ? Rampant bureaucracy is replacing intellectuals and creative artists with schoolteachers and bean-counters ; and we will end with the cultural life for which the education reforms have prepared us.

18.

Diplômes dévalués - Avec l’énorme augmentation de ses effectifs, l’université a été confrontée à un échec massif en première année. Les réformateurs refusent d’admettre que cet échec est dû à des lacunes profondes chez les étudiants, héritées du primaire et du secondaire, et que tout le système est en cause. Il ne s’agit pas de prétendre que « le niveau baisse » ni que les étudiants seraient globalement incompétents. Mais tout enseignant du supérieur sait parfaitement que les universités ont dû accueillir des masses d’étudiants incapables de suivre un cours rudimentaire, de rédiger un texte simple ou de le comprendre.

18.

Devalued qualifications - The number of students being accepted by universities has increased dramatically, but so has the number failing the exams at the end of the first or second year. The reformers refuse to admit that this is due to the serious shortcomings in education in primary and secondary schools. The whole system is at fault. It is a mistake to claim that the level is deteriorating or that students are incompetent. Everyone in secondary education knows that universities have been obliged to accept hordes of students incapable of keeping up with the most rudimentary teaching or of understanding, let alone writing, a simple text.

19.

On a fait en sorte que puissent obtenir le baccalauréat des étudiants dont le niveau d’inculture est ahurissant, qui ne maîtrisent ni syntaxe, ni orthographe, ni vocabulaire. Selon les autorités, suivies par trop de journalistes spécialisés, la solution serait de réorganiser les examens, les disciplines et les pratiques enseignantes.

19.

Pupils with a stupendous lack of education pass the baccalauréat exam without having mastered basic French syntax, spelling or vocabulary. Successive governments have concluded that the answer is to reorganise exams, curricula and teaching practice.

20.

On a d’abord exigé que les universitaires soient plus pédagogues. C’est, par obsession pédagogique de principe, ignorer la réalité de l’enseignement. Le mandarin qui débite son discours sans essayer de se faire comprendre est devenu une espèce rare. Il y a longtemps que les universitaires expliquent, simplifient. Mais il y a un degré de simplification qui fait perdre tout contenu et toute signification à ce que l’on veut enseigner.

20.

The ministry of education started by demanding that academics should improve their teaching. But this obsession has blinded officials to the reality of teaching. Teachers who deliver their courses without attempting to make themselves understood are a rarity. Academics started explaining and simplifying the content of their teaching long ago. But there is a limit to simplification beyond which teaching makes no sense.

21.

On a ensuite vidé les premiers cycles universitaires de presque toute spécialisation et arrangé les examens de telle sorte que les mauvaises notes soient compensées au maximum. Actuellement, un étudiant en lettres ne sachant pas conjuguer un verbe du troisième groupe, ignorant les rudiments de toute culture littéraire, confondant Hugo et Zola, la révolution française et le surréalisme en dépit de tous les efforts « pédagogiques », peut espérer obtenir son diplôme d’études universitaires générales (DEUG) de lettres avec de l’informatique, du sport, de la technique d’expression et une option cinéma.

21.

The next step was to remove any specialisation from the first years of university courses. Exams were organised to compensate for any bad marks. We often encounter arts undergraduates who do not know how to conjugate French verbs and have no arts general knowledge - they confuse Victor Hugo with Emile Zola, or the French Revolution with the Surrealist movement. Yet they stand a good chance of passing the diploma at the end of the first two years at university, by combining literature with IT, sport, writing skills and cinema.

22.

Puis on a estimé - autre idée géniale - que l’échec était dû à une mauvaise orientation. Il a donc fallu, encore une fois, jongler avec les horaires, l’organisation des études, pour prévoir des échanges de cours et des passerelles d’une faculté vers une autre. Pourtant, de toute évidence, l’échec de masse vient des lacunes de base, qui posent autant de problèmes en géographie qu’en philosophie, en anglais qu’en psychologie. On a, pour se conformer à l’Europe, « semestrialisé » les études (c’est-à-dire doublé les périodes d’examen). Autrement dit, des jeunes gens qui sortent du lycée, qui ne savent rien de l’université, disposent de douze séances de cours, au lieu de vingt-quatre, avant de subir leur examen. On imagine à quel point cette mesure peut, elle aussi, faire diminuer le taux d’échec.

22.

Ministry experts came up with the idea that students failed their exams because they had chosen the wrong subjects. This prompted the reorganisation of timetables and study to allow exchanges between different faculties. But it is obvious that the persistently high failure rate is due to a basic lack of knowledge, equally problematic in geography or philosophy, English or psychology. To bring French universities into line with their European counterparts, study has been divided into terms. This means students spend twice as much time sitting exams. Young people, who have just finished their secondary education and know nothing about how univers ities work, have only 12 classes in a given subject, instead of 24, before their first exam. This does little to improve the failure rate.

23.

Illusion démagogique - L’enseignement supérieur est devenu, en grande partie, de l’assistanat. Il faut reprendre toutes les bases : comment on prend des notes, comment on se sert d’une bibliothèque, comment on fait une phrase, comment on accorde un participe. On multiplie béquilles, tuteurs, rattrapages, cours de méthodologie. On évite au maximum d’enseigner la discipline même. On invente chaque année le nouveau truc qui permettra d’améliorer les chiffres. Résultats de ces permanentes contorsions pour obtenir à tout prix de bons taux de réussite : la création d’une gigantesque illusion.

23.

Educational smokescreen - University teachers have to provide instruction in basic skills - note-taking, how to use a library, sentence construction - a whole range of educational crutches. More time is spent teaching methodology than the actual subject. And every year we invent new ways of massaging the pass figures. All these efforts to boost the rate of success in the first years at university have merely created a smokescreen.

24.

Tout le système, depuis le primaire, confond qualité et quantité. On se réjouit d’une amélioration purement statistique qui ne correspond pas à des compétences réelles.

24.

France’s education system, from primary school on, confuses quality and quantity. We congratulate ourselves on an upward trend in the statistics that does not reflect any real improvement in undergraduate skills.

25.

De plus en plus de jeunes prolongent leurs études dans une université qui n’a plus de débouchés à leur offrir. Les diplômes sont dévalués par la démagogie qui tend à exclure toute sélection, et offrent peu de perspectives professionnelles claires, du moins dans les filières généralistes. Restent les concours. Mais là, la sélection perdure, bien entendu. Et les grandes écoles se taillent la part du lion. On aura donc à toute force poussé des jeunes gens dans des voies sans issue.

25.

Many more young people spend longer at university, oblivious to the fact that it no longer promises any worthwhile qualifications. The government’s reluctance to admit the need for selection means that university degrees, particularly in non-specialist subjects, are of little value in the job market.

26.

L’IUFM, quant à lui, offre à beaucoup d’étudiants la perspective de devenir professeurs d’école ou de collège s’ils réussissent le concours. On y met de plus en plus l’accent sur la théorie de l’enseignement au détriment des contenus. Ce système formera des instituteurs bourrés de didactique et de psychologie enfantine. Pas meilleurs pédagogues : prêts à faire de l’animation et à perpétuer la tromperie qui articule tout le système ; mais, hélas !, incultes. Et tout recommencera, depuis le début.

26.

Teacher training colleges offer students the prospect of becoming primary or secondary teachers if they pass their exams. But here again teaching theory takes priority over content. This approach produces experts in didactics and child psychology. However they lack any real culture, and so are set to perpetuate the lie on which the system is based.

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